26 Mar Peut-on parler de tout aux enfants ?
La réponse est oui. Tout dépend de la manière d’aborder le sujet… La Compagnie Paname Pilotis a choisi, pour Juste Irena, le langage du théâtre de marionnettes et d’ombres pour évoquer les déportations et la résistance pendant l’Occupation nazie.
Pour ce faire, trois histoires vont s’entremêler à travers trois époques différentes : la Seconde Guerre mondiale, les années 1990 et la période actuelle. La première, au cœur de la pièce, est celle d’Irena Sendler, surnommée Juste parmi les Nations. Cette femme polonaise a participé, avec ses réseaux d’assistance sociale, au sauvetage de 2 500 enfants juifs du ghetto de Varsovie. Dans cette création de Léonore Chaix, finalisée en juin 2023 à la médiathèque Noailles de Cannes dans le cadre d’une résidence d’écriture portée par le Théâtre de la Licorne, on la retrouve à l’âge de 98 ans. Dans sa maison de retraite, elle est confrontée aux fantômes de son passé, plongeant ainsi le public au cœur de la Seconde Guerre mondiale. Son récit croise celui de trois lycéennes américaines des années 1990 qui, fascinées par son histoire oubliée, partent sur ses traces. Un dialogue entre passé et présent s’instaure alors, illustrant la puissance de la mémoire collective et la nécessité de transmettre les leçons de l’Histoire aux nouvelles générations.
La compagnie Paname Pilotis, reconnue pour son approche poétique, nous avait déjà émus avec la pièce Les Yeux de Taqqi, nommée aux Molières Jeune Public en 2020. Dans ce nouveau spectacle, elle déploie un univers visuel riche et sensible, porté sur scène par quatre comédiennes : Camille Blouet, Anaël Guez, Nadja Maire et Sarah Vermande. Celles-ci incarnent des personnages en chair et en os, tandis que des marionnettes hybrides, manipulées avec précision, donnent vie à Irena, aux enfants du ghetto de Varsovie, ainsi qu’aux trois étudiantes. Quant aux nazis, ils sont représentés par des loups, une métaphore universelle de la peur qui évite toute glorification et préserve la sensibilité du jeune public. Théâtre de marionnettes, d’ombres, mais aussi projections vidéo et scénographie mobile mêlant lumière, papier et tissu aérien : tout concourt à une mise en scène immersive. Quant à la partition musicale, signée Rodolphe Dubreuil, elle oscille entre chants traditionnels et bidouillages électro, créant une atmosphère à la fois intemporelle et contemporaine. Un mélange subtil qui permet de mettre à distance l’horreur, tout en y ajoutant une touche de poésie bienvenue.
29 avr, Théâtre de la Licorne, Cannes. Rens: cannes.com
photo : Juste Irena © Alejandro Guerrero