05 Nov Monte-Carlo Jazz Festival : racines et audaces
Pour sa traditionnelle session d’automne, le Festival de jazz de Monte-Carlo investit le mythique Opéra Garnier de Monte-Carlo. Au programme, du 20 au 29 novembre : 14 concerts et une conférence de Thierry Jousse sur le thème Jazz et cinéma.
Ce savoureux concentré des tendances de cette musique d’aujourd’hui, réunira à la fois de jeunes talents prometteurs, des succès déjà confirmés, quelques rythmes adjacents – une poignée d’épices cubaines parmi les plus savoureuses, de lointains éclats venus d’Afrique ou d’Orient – et quelques mères fondatrices et pères fondateurs de toute cette culture, parfois âgés en apparence mais toujours jeunes de cœur et de doigts !
Des artistes iconiques
Et parmi eux, Monty Alexander, à peine au-delà des 80 ans, conserve la fougue de sa jeunesse. Jamaïcain né bien avant le reggae – genre issu du ska et du rocksteady apparu dans les années 60 –, bercé par les calypsos enchanteurs, il en a gardé l’indolence et le déhanchement. Arrivé à 16 ans aux États-Unis, il se frotte au jazz et rencontre très vite le succès, soutenu par Frank Sinatra. Aujourd’hui encore, son sens de la broderie mélodique et sa virtuosité fulgurante tournoient autour d’un ancrage rythmique inébranlable et d’une sonorité qui fait vibrer l’auditeur de la plante des pieds jusqu’à l’arc des sourcils !
Autre mémoire, mais des spirituals dans ce cas-ci : le Harlem Gospel Choir, capable de transformer n’importe quelle scène en église baptiste, que l’on retrouvera pour un voyage musical empreint de spiritualité, de rythme et de joie communicative.
De grandes voix
D’autres voix nous feront chavirer tout au long du festival : Gabi Hartmann, qui chante en français le plus souvent, mais aussi en anglais, en espagnol et en portugais, et ne déteste pas évoquer la Guinée. Folksongs épurés, timbre sans effets, vocalité légèrement voilée… Mais aussi la chanteuse et compositrice Célia Kameni, lauréate du prix de l’Artiste Vocale de l’Année aux 23e Victoires du Jazz avec son EP « Meduse », qui remplacera Rhoda Scott et son supergroupe, initialement programmés le 28 novembre.
Puis Lea Maria Fries, portée par une pulsation étrangement rock, légère et tranchante, qui chante depuis une cage de sons étonnants et minutieusement confectionnés. Depuis sa Suisse natale, elle explore une avant-garde sophistiquée et séduisante. Elle partagera la soirée avec Morcheeba, étonnant groupe britannique qui s’enroule autour de la voix envoûtante de Skye Edwards et renouvelle le trip-hop avec une douceur inquiétante.
Pour clore le chapitre des chanteurs, Michel Jonasz viendra jouer sur du velours, entouré d’un orchestre très jazz : Manu Katché à la batterie, Jérôme Regard à la basse.
Des rythmes adjacents
Côté voyages et métissages, on pourra savourer Ibrahim Maalouf, qui revisite le répertoire d’Oum Kalthoum, disparue il y a 50 ans, en le swinguant à sa manière. Sa trompette, construite spécialement pour lui, oscille entre la douceur ouatée du jazz et les modes de la musique arabe ; elle joue les quarts de ton, se coule dans les modulations orientales et les ondulations mystérieuses.
Le romantisme latino-américain n’est pas en reste avec Yuri Buenaventura. Crooner colombien irrésistible, il se laisse volontiers tenter par la salsa voisine et chante l’amour en faisant danser ses jambes.
Enfin, en clôture : Les Égarés, quartet qui nous laisse, comme toujours, éblouis. Vincent Peirani et son accordéon au phrasé magique et exquis faisait déjà équipe depuis longtemps avec Émile Parisien, dont le saxophone soprano se reconnaît dès la première note : suave, caressant, mais toujours traversé par cette urgence du cuivre. Ce duo sans équivalent a rencontré le violoncelle multiforme de Vincent Segal et la kora enivrante de Ballaké Sissoko. Il en résulte une musique unique, intime, intrépide, et qui, sans faire beaucoup de bruit, n’a peur de rien. Un délice.
11 au 29 nov, Opéra Garnier de Monte-Carlo, Monaco. Rens: montecarlolive.com
photo: Monty Alexander © DR