Le drive-in fait son remake

Le drive-in fait son remake

Une messe célébrée devant des fidèles au volant, une boîte de nuit sur un parking avec son enfilade d’automobiles tout warning dehors… La crise sanitaire a vu apparaître des concepts pour le moins étranges, adaptés d’un autre concept, tout aussi étrange pour nous Français : le cinéma en drive-in. Importé des USA, il fait aujourd’hui son retour à Cannes.

Les salles obscures affichent portes closes jusqu’à nouvel ordre, pour cause d’épidémie de Covid-19, tout comme la plupart des lieux culturels. Les émotions, les découvertes, tout ce qu’implique le cinéma et la culture au sens large doivent être réinventés en attendant les autorisations de réouverture. En partenariat avec les cinémas Les Arcades et L’Olympia, la Ville de Cannes a donc décidé de lancer l’opération Cannes Ciné Drive.

Bonne nouvelle pour le public…

Du 20 au 24 mai, période à laquelle le Festival de Cannes aurait dû battre son plein, la cité azuréenne propose un film par soir, à 21h30, sur le parking de l’Hôtel Palm Beach. Au programme : deux avant-premières nationales (La Daronne de Jean-Paul Salomé, le 22 mai, et The Singing Club de Peter Cattaneo, le 24) et des longs-métrages grand public (L’Appel de la forêt de Chris Sanders, le 21, et Le voyage du Dr Dolittle de Stephen Gaghan, le 23). C’est un grand classique du cinéma qui fait l’ouverture ce mercredi 20 mai : E.T. L’Extra-terrestre, plus gros succès de Steven Spielberg au box-office français, sorti en 1982. Evénement soutenu par Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, chaque soirée débutera symboliquement par Le Carnaval des animaux – Aquarium, composition de Camille Saint-Saëns qui ouvre les projections des films en sélection.

Avec seulement 51 places sur le parking du prestigieux hôtel cannois, et un public en manque de 7e Art sur grand écran, l’opération est toutefois victime de son succès et affiche complet. Mais les cinéphiles azuréens pourront profiter d’une nouvelle session prévue du 27 au 31 mai, sur le parking Courbertin à Cannes La Bocca, dont la capacité d’accueil est nettement supérieure (réservation obligatoire). Au programme : La bonne épouse de Martin Provost (avec quelques pointures comme Juliette Binoche, Édouard Baer, Yolande Moreau, François Berléand au casting) dont l’exploitation a été interrompue par le confinement, deux avant-premières (Les parfums de Grégory Magne et Le temps de marguerite de Pierre Coré), Moonrose Kingdom de Wes Anderson, avec ce bon vieux Bill Murray, et surtout un film culte pour toute une génération de trentenaire dont je fais partie, monument d’humour tourné en partie à Cannes et réalisé par Alain Berberian. Indice : « C’est quand même étrange, ces lettres que laisse le tueur. O, D, I et maintenant L. ODIL, qu’est que ça peut bien vouloir dire ? Lido ? Ça serait une danseuse ? ».

De nombreuses initiatives similaires fleurissent un peu partout dans l’Hexagone, comme à Barjols, dans le Var, où des passionnés organisent une projection champêtre ce samedi 23 mai à 21h. A l’affiche, Le Grand McLintock d’Andrew V. McLaglen (1963). « Une comédie (pour garder le sourire), un western avec John Wayne (pour garder l’ambiance américaine) », indiquent les organisateurs sur la page Facebook de l’événement. Pour la petite histoire, cette mode du drive-in, qui fut importée des États-Unis à la fin des années 1960, mais avait quasiment disparu dans nos contrées, était apparue non loin de là pour la première fois : c’était à La Farlède, en 1967 !

…moins pour les cinémas

Une petite histoire qui passe nettement moins bien du côté de la Fédération National des Cinémas Français qui s’inquiète des conséquences d’une telle pratique. Celle-ci a adressé un message au CNC concernant ces séances de drive-in : « La FNCF regrette profondément les dégâts médiatiques et économiques que provoqueront ces manifestations qui détournent les spectateurs, les médias, l’administration locale et nationale du seul combat à mener : la réouverture des salles, seul lieu structurant et pérenne de la culture cinématographique », peut-on lire dans son communiqué. Elle réclame notamment « l’application extrêmement stricte du dispositif réglementaire en vigueur » sur le respect des conditions sanitaires, car « il n’y a aucune raison que ces initiatives échappent à la règle générale et mettent en péril les spectateurs et les salariés », et sollicite un engagement clair des collectivités sur « un plan de soutien des salles de cinéma locales transmis au CNC ».

Outre les conséquences économiques sur les exploitants de cinéma, si cette pratique devait perdurer dans le temps, on peut légitimement se poser des questions sur le fait d’encourager les spectateurs à utiliser leurs véhicules pour de telles manifestations, sur ce « retour en arrière », autour d’une mode vintage, qui fait certes sourire, mais qui pourrait porter un coup aux efforts engagés quant à notre empreinte carbone.

(Photos : Drive-in © Markus Distelrath – Pixabay / E.T. L’Extra-terrestre © United International Pictures)