12 Juin Sabine Venaruzzo sur les chemins de la poésie
La Demoiselle aux gants de boxe rouges sillonne notre paysage culturel depuis plusieurs années. Sabine Venaruzzo est comédienne, chanteuse lyrique, directrice artistique de la compagnie Une petite voix m’a dit. Elle est aussi, et peut-être avant tout, poétesse.
Alors que l’individu a été secoué par les évènements des derniers mois, qu’il est plongé dans l’incertitude face à l’avenir, la poésie pourrait bien révéler tout son intérêt. « Si celle-ci est le plus souvent considérée comme un art mineur en référence à la place qui lui est accordée dans les pages culturelles ou en termes d’édition du nombre de recueils, la poésie est pourtant essentielle à toute chose. C’est un état qui peut se retrouver dans la peinture, dans la danse comme dans l’écrit. La poésie existe hors des livres. »
Partant de cette idée « d’état de poésie », Sabine Venaruzzo a créé la poésie spectaculaire, un rendez-vous avec le public qui lui permet de suivre le chemin de la poésie quand elle est dite. La Demoiselle Et Caetera, personnage poétique qui incarne sa recherche artistique, occupe régulièrement depuis 2012 des espaces donnés à un temps donné. Elle utilise parfois la danse dans un acte d’écriture « corpoétique », parfois la musique en collaboration avec des musiciens. La poésie a même désormais son festival grâce aux Journées Poët Poët qui se déroulent au mois de mars depuis plus d’une dizaine d’années. Bien que l’évènement ait été interrompu cette année, Sabine Venaruzzo a continué à faire vivre les mots avec des Chuchotis. Le principe : murmurer des poèmes à l’oreille des gens par téléphone. Elle s’est faite passeuse de poésie apportant un peu de bien-être à celui qui écoute et partageant le plaisir d’être ensemble : « À travers cette bulle de poésie, c’est un moment très intime qui se vit. »
« La poésie sauvera le monde, j’en suis convaincue ! »
À compter du 11 mai, elle a entrepris, en compagnie du photographe Eric Clément-Demange, des escapades dans l’espace public qui s’est transformé et impose de nouveaux protocoles. Pour la série Les cris Demoiselle (voir vidéo ci-dessus), le photographe pose le cadre dans lequel Sabine Venaruzzo se livre à une écriture corpoétique. Il y a eu une incroyable violence dans ce que nous avons vécu (les lieux vides et fermés, les queues de gens masqués, les autorisations de sortie…) à laquelle la poétesse a envie de répondre par opposition avec une infinie tendresse. L’artiste, clairement humaniste, a toujours manifesté son engagement et son indignation. Dans le court-métrage de Rémy Masséglia, L’humanité avant toute chose, elle utilise la poésie pour engager une marche symbolique entre Vintimille et Nice, porteuse d’une valise remplie de galets sur lesquels sont écrits les prénoms de migrants qu’elle a rencontrés. Si elle refuse la violence, elle est pourtant prête à se battre avec les mots ! L’utilité de la poésie est une évidence pour elle. Ce n’est pas simplement un texte que l’on apprend et que l’on récite. En intervenant depuis dix ans dans un Ehpad, elle peut constater tout le bien que la poésie fait aux gens.
« La poésie donne du sens à ce qui est essentiel, à notre sensibilité qui fait que nous sommes des hommes et que nous avons besoin d’être ensemble. Elle permet la création dans un monde qui l’étouffe. La poésie peut être lue ou écoutée ; on n’a pas besoin de la comprendre, il suffit de la ressentir. Je veux faire transpirer l’état de poésie dans le quotidien, sur la scène, dans mon travail artistique. » Sabine Venaruzzo fait partie de ces nouveaux poètes pour lesquels la rencontre avec l’autre est essentielle. Tel un troubadour des temps modernes, la poétesse vit au cœur de la cité et parcourt les routes en quête du poème universel constitué des milliers de mots collectés au fil de ses rencontres. « La poésie sauvera le monde, j’en suis convaincue ! »