18 Juin Économie utile pour des temps difficiles
Édité et imprimé avant la crise sanitaire et le confinement, le titre de cet ouvrage d’Esther Duflo et Abhijit V. Banerjee prend une sacrée dimension aujourd’hui.
Duo professionnel, qui a reçu l’an dernier le Prix Nobel d’Économie, et couple dans la vie, le binôme ne rentre pas dans le moule de cette « économie » que l’on a trop vite fait de qualifier de science. Il est à l’opposé de ces gourous qui défilent sur les plateaux de télé et autres médias, de ceux qui font ressembler l’économie à une religion dogmatique basée sur la théorie qui domine, celle du ruissellement, magnifiquement résumée par M. Galbraith : « Si vous donnez au cheval assez d’avoine, il en ressortira bien quelque chose sur la route pour le moineau. » L’École de Chicago, Milton Friedman, cette fameuse liberté du marché qu’ils fantasment comme la seule solution à l’humanité. « There Is No Alternative », comme le disait la dame de fer. On mesure bien l’efficacité de ces théories fumeuses. Depuis des dizaines d’années, cela fonctionne particulièrement bien… pour 1% de la population mondiale. Le travail de ces deux brillants économistes ramène l’économie à plus d’humilité. Ils nous parlent de développement. Ils transforment l’économie en une véritable science incluant à leurs recherches de nombreux essais de terrain. Efficaces et brisant de nombreuses pensées paternalistes qui croient les plus pauvres incapables de gérer intelligemment leur vie, ils nous montrent que beaucoup de choses sont possibles. L’économie doit apprendre à éradiquer la pauvreté qui n’a aucune raison d’être acceptée comme une fatalité. Elle doit intégrer les sciences sociales comme la sociologie. Elle se doit de bâtir un monde plus humain. Ce n’est pas une utopie si l’on dirige bien les forces intellectuelles, physiques et financières. La société civile doit se mêler à ces changements. Comme le dit la dernière phrase du livre : « L’économie a trop d’importance pour être laissée aux seuls économistes. »