Instants de méditation

Instants de méditation

Souvent de dimensions imposantes et d’un aspect résolument spectaculaire, la photographie contemporaine tend à établir une confrontation avec le monde. Elle s’impose, joue de ses techniques et trucages, tente d’en mettre « plein la vue ». Pentti Sammallahti renoue au contraire avec l’humilité première de la photographie, celle de saisir un fragment de réalité pour en extraireune essence spirituelle.

Pour ce photographe finlandais, né en 1950, il s’agit plus d’un regard boulimique surle monde ou d’un regard fugitif quand la pensée s’en absente et que l’image reste en suspens sur la rétine avant qu’elle ne s’éteigne. Pentti Sammallahti saisit des parcelles du monde comme autant de fragments de l’invisible et les quelque 200 photographies de l’exposition au Musée de la photographie Charles Nègre à Nice racontent cet instant de l’indicible quand l’imaginaire s’empare de pans entiers de la nature. Issue d’innombrables voyages, chaque image diffuse la révélation d’un miracle avec seulement les traces d’une présence humaine, d’un animal ou d’un arbre. Et il y a le ciel, la terre, comme une page vide à l’affût d’un récit ou d’un conte. Et cette buée qui s’y dépose pour troubler notre regard ou cette atmosphère minérale dans laquelle s’impose la qualité du silence. Tout l’art du photographe repose sur la modestie, la lenteur, et le cliché devient cet instant de méditation qui s’ouvre sur une révélation.

Pentti Sammallahti est un artisan. Ses Miniatures – rappels des techniques médiévales – forcent notre regard à sonder chaque détail pour lui donner sens. Un oiseau à peine plus gros qu’une tête d’épingle pense déjà son envol. Le noir et le blanc suffisent à une écriture légère qu’aucun bruit ne doit écorcher. La splendeur des panoramiques, le tremblement ou l’épaisseur de la lumière témoignent d’une présence diffuse que la qualité du tirage révèle. Le photographe sait tout faire. Il utilise les subtilités de l’argentique, il développe et compose chaque image dans de somptueux jeux de contraste. Dans ses cadrages, l’univers n’impose d’autre hiérarchie que par la mise à distance de ces présences en attente de l’événement qu’on voudra bien leur accorder. Hommes ou chiens, leurs ombres étincellent les pages de ce récit en sommeil. Dire la beauté du monde. Raconter le pays des merveilles. Montrer qu’il est là, devant nous.

Jusqu’au 24 jan 2021, Musée de la photographie Charles Nègre, Nice. Rens: museephotographie.nice.fr

(photo : Russia, White Sea, Solovki, 1992 © Pentti Sammallahti)