Goodbye Chick

Goodbye Chick

Un des grands noms du jazz, du jazz-rock, de la fusion, de la musique latine, bref, de la plupart des musiques qui ont compté au 20e siècle et au début du 21e, nous a quittés le 9 février 2021. Avec admiration et néanmoins tristesse, penchons-nous sur la carrière ce grand homme et musicien qu’était Chick Corea.

D’origine sicilienne et espagnole, Armando Anthony « Chick » Corea nait à Chelsea, aux États-Unis, en 1941. Après des études classiques, il déménage à New York, étudie à la Julliard School of Music, se passionne pour le jazz bebop, en particulier pour la musique de Bud Powell, et surtout, latinité oblige, pour celle de Horace Silver. Il se perfectionne très rapidement dans cet idiome et commence sa carrière professionnelle en accompagnant le chanteur et showman Cab Calloway, le trompettiste Blue Mitchell et les joueurs de latin jazz Herbie Mann, Willie Bobo et Mongo Santamaría.

Très vite repéré par ses pairs, il enregistre son premier album en tant que soliste, Tones for Joan’s Bones, sorti en 1966. Deux ans après suit Now He Sings, Now He Sobs, avec Roy Haynes et deux musiciens de très haut niveau qui, vu le talent de Chick, acceptent de lui prêter main-forte.

Partant de là,  sa destinée est en marche : en 1968, un certain Miles Davis, qui n’a pas les oreilles dans sa poche et qui est toujours à l’affût de jeunes talents, lui propose de remplacer Herbie Hancock, alors sur le départ, pour tenir le piano dans son groupe. Les deux hommes, qui se lient d’une solide amitié, joueront tous les deux sur trois albums de Miles : Filles de KilimanjaroIn a Silent Way et surtout Bitches Brew, album qui entérine le virage de Miles vers l’électricité et donne naissance au jazz fusion. L’album est un best-seller. La carrière internationale de Chick est lancée…

Par la suite, après une période free jazz avec Circle, groupe formé avec Anthony Braxton, saxophoniste de renom dans cette mouvance, il forme Return To Forever, première mouture, très influencé par les musiques latines, bossa-nova, flamenco… Flora Purim est au chant, son mari Airto Moreira aux percussions et l’incroyable Stanley Clarke à la contrebasse. Il compose avec ce groupe un premier tube, le fameux Spain, devenu depuis un standard.

Peu de temps après, nouvelle formule. Chick, en bon élève de Miles, ne reste jamais longtemps à la même place. Il a compris les leçons du maître : il faut surprendre l’auditeur dans son confort mental. Return To Forever II est né : Airto et Flora s’en vont, Stanley Clarke reste, mais passe à la basse électrique, Bill Connors, puis Al Di Meola prennent les guitares, Lenny White (lui aussi, ancien de Bitches Brew) est la batterie. Le groupe devient, avec le Mahavishnu Orchestra de John McLaughlin (ami de Chick depuis les séances de Bitches Brew) et Weather Report de Joe Zawinul et Wayne Shorter (tous d’anciens « Milesiens » ; Bitches Brew toujours…), l’un des trois groupes de jazz-rock les plus connus au monde, écumant les festivals et remplissant les plus grandes salles.

À partir de là, la renommée de Chick Corea ne se démentira plus sur tous les continents : star au Japon et en Amérique du Sud, célébré à Vienne ou Paris pour ses duos de piano classique et jazz avec Friedrich Gulda ou Herbie Hancock, il est devenu incontournable. Ouverte à toutes les musiques, pionnier de la fusion, tout en ayant les pieds franchement enfoncés dans le terreau de la note bleue traditionnelle, cette hydre du jazz moderne sera regrettée par ses pairs autant que par un public qu’il n’a jamais déçu…