Les amants d’Hérouville, une histoire vraie

Les amants d’Hérouville, une histoire vraie

C’est bien une histoire vraie que nous raconte cette bande dessinée/roman-photo/biographique : celle de Michel Magne, compositeur génial dont on connaît peu le nom, mais plus certainement son travail pour des bandes-sons de films d’Audiard ou de Jean Yanne, et de sa compagne Marie-Claude, au cœur du Château d’Hérouville.

Pourtant, la vie de ce grand monsieur de la musique pourrait facilement être adaptée en roman ou en film, tant les épisodes de sa vie menée tambour battant réunissent tous les ingrédients d’une grande histoire. Le génie précoce, l’avant-gardisme artistique, l’amour, la réussite, l’apogée, les drames, la chute, la ruine, la triste fin. Très vite repéré pour ses dons musicaux, il est un musicien d’avant-garde, bien avant la musique concrète.

Dans la seconde moitié des années 50, il vit avec Françoise Sagan avec qui il écrit des chansons pour Juliette Gréco. Il côtoie Ellington, Presley, Billie Holiday, Boris Vian, Aragon ou Sartre. Sa vie est un véritable who’s who artistique. Les années 60 lui apportent la reconnaissance au travers de ses musiques de film, notamment une nomination aux Oscars pour un film de Gene Kelly.

En 62, il achète le Château d’Hérouville. En 69, un incendie se déclare, et c’est toute son œuvre de jeunesse qui part en fumée. Aucune copie, aucun double. « C’est ce qui peut arriver de pire à un compositeur », dira-t-il. Un drame qui restera comme une marque indélébile dans son cœur. Pourtant, il va rebondir grâce à ce double coup de foudre : pour Marie-Claude et la création du Studio d’Hérouville. C’est cette histoire d’amour entre Michel Magne et Marie-Claude Calvet notamment dans le cadre du mythique Studio du Château D’Hérouville que la bande dessinée suit en fil rouge.

Premier studio à la campagne où les musiciens travaillent, enregistrent et vivent à plein temps leur créativité, il faudrait des pages entières pour énumérer les artistes, anecdotes et albums historiques enregistrés dans ce lieu. Hallyday, Pink Floyd, Bowie, T Rex, Iggy Pop, Magma, Elton John, Bee Gees, Canned Heat, MC5… La liste paraît sans fin. Au rayon anecdote, le concert du Grateful Dead, le 21 juin 1971 dans les jardins du Château, reste un must. Près de 6 heures de concert avec comme public les villageois d’Hérouville. Peu habitués à ce genre de musique, ils ont bien profité et apprécié la soirée, peut-être aidés par quelques substances psychotropes inconnues de leur vocabulaire. Un événement qui fera dire à un journaliste qui l’a vécu : « Michel Magne, je te dois la nuit la plus fantastique de ma vie ».

Si on rajoute à cela un cuisinier à résidence et un train de vie fait du plaisir de bonnes chères et de bonnes bouteilles, les réalités économiques auront vite fait de le rattraper. Il vend en partie le studio à des gens plus adeptes d’économie que de création artistique. L’esprit insufflé par Michel Magne dans le Château disparaît peu à peu, alors que la pression financière et les dettes s’accumulent furieusement. Après avoir vu ses premières œuvres partir en fumée, il voit les suivantes lui échapper judiciairement et administrativement. Ce coup-ci, cela commence à faire trop pour ce sentimental ; manque de sommeil et abus de cachets finiront d’achever ce créateur devenu tourmenté. La fin de sa vie ne montre pas la plus belle de ses facettes ; Marie-Claude subit cette descente aux enfers moralement et physiquement, mais gardera malgré tout de l’attachement pour lui.

Le livre se complète par des témoignages, des photos personnelles et intimes dont le retour de Marie-Claude au Château 40 ans après, particulièrement émouvant à la lecture de leur histoire. Un index répertorie les enregistrements réalisés dans les studios ainsi que les œuvres discographiques, cinématographiques et plastiques de Michel Magne.

Les amants d’Hérouville, une histoire vraie
Yann Le Quellec/Romain Ronzeau
Delcourt/Mirages