Narrative Body : une énergie nouvelle

Narrative Body : une énergie nouvelle

Il y a peu, un public restreint formé de professionnels découvrait les vingt premières minutes de la création The Other Me, proposée par Narrative Body. Un travail réalisé à l’occasion d’une résidence de création d’une dizaine de jours intégrant le festival Les Inclassables. Fondé par Johanna Henritius, Narrative Body se présente plus comme un concept que comme une compagnie de danse au regard de l’approche globale qu’elle souhaite insuffler à cette structure.

Un parcours international

Née à Helsinki, Johanna Henritius entre toute jeune au Ballet School of the Finnish National Opera où elle suit une formation professionnalisante purement classique. À l’adolescence, elle souhaite élargir son horizon. Attirée par la danse contemporaine, elle quitte la Finlande pour intégrer The Royal Swedish Ballet School qui lui permet de se confronter au répertoire de chorégraphes tel que Mats Ek, Carolyn Carlson, Rasmus Ölme, Satoshi Kudo… S’ouvre ensuite pour elle l’univers des tournées en Allemagne, Suède, Autriche. C’est d’ailleurs dans ce dernier pays qu’elle pose une nouvelle fois ses valises pour suivre une formation au sein du célèbre S.E.A.D (Salzburg Experimental Academy of Dance). Elle aime découvrir, expérimenter, comprendre, étudier… Une quête qui la mène à l’université de Nice où après un Master en Arts du Spectacle, elle devient Doctorante en danse.

Johanna Henritius © DR

Intensifier le geste

Pour Johanna Henritius, le corps n’est pas qu’un outil et la création chorégraphique ne vise pas qu’à proposer un beau geste. « Le geste n’est pas là parce qu’il est joli, mais parce qu’il a un sens, il a un but. » Pour parvenir à ce résultat, l’artiste utilise une approche énergétique basée sur les techniques somatiques qui ont recours à l’imagination afin d’accroître les sensations, les émotions. Chaque corps a son vécu, son histoire, sa mémoire, ses propres expériences dans lesquelles il convient d’aller puiser. « La beauté de la création vient de la rencontre avec l’individu, avec sa corporalité et son rapport au monde. Le travail sur l’imaginaire passe par la mise en œuvre de stratégies pour transformer le geste. » Le corps du danseur est souvent formaté, mais il est possible de le changer par un travail en profondeur. Les pratiques somatiques et énergétiques qui passent aussi par des techniques comme le yoga ou le tai-chi rendent possible la transformation du mouvement et de l’expression, permettant au geste de gagner en intensité. Grâce à sa précision, celui-ci va pouvoir véritablement accompagner l’intention du chorégraphe. La création de la structure Narrative Body par Johanna Henritius répond à sa volonté de mêler à la fois son activité de doctorante et son expérience acquise à travers un parcours international de danseuse, la théorie et la pratique s’alimentant réciproquement. Sa volonté est d’ouvrir Narrative Body aux autres danseurs, mais aussi à tous types de corps (non-danseurs ou même handicapés) et de développer toutes sortes de collaborations par le biais de la scène, d’ateliers, ou de colloques. Et l’on se met à imaginer une émulation nouvelle telle que l’on peut en trouver dans certaines capitales européennes comme Berlin.

The Other Me

À Nice, on a souvent vu Johanna Henritius aux côtés de la chorégraphe Margarita Nagel (Compagnie M/N). Elle était ensuite présente sur scène dans l’interprétation de ses propres créations, notamment en 2019 dans Astray. The Other Me est la première pièce qu’elle porte en qualité de chorégraphe pour d’autres danseuses. Ce duo de deux femmes, Claire Camous et Chloé Hennemann, questionne les multiples facettes de la personnalité, sa construction, sa transformation qui passe aussi parfois par sa déconstruction. Plusieurs événements sont venus nourrir cette pièce. Il y a eu d’une part la naissance de son fils qui lui a permis de regarder le mouvement différemment. Lorsque l’enfant commence à bouger et apprend à marcher, il se détache de sa mère dans un processus qui contribue à la création du moi et de la subjectivité. Sur la même période, les individus ont fait face aux confinements et aux changements imposés dans leur mode de vie. Ils ont dû se transformer. Confrontés à eux-mêmes, ils ont parfois découvert leur Autre Moi. Née d’événements précis, la pièce The Other Me porte en soi une réflexion intemporelle sur les états multiples de l’individu. Les recherches vont maintenant s’orienter vers la scénographie au cours d’une résidence d’arts plastiques qui va se dérouler à Marseille. La chorégraphe sera accompagnée de Claire Camous qui est également artiste plasticienne, avec pour objectif de « rendre visible ce qui est invisible ».

(photo Une : Claire Camous et Chloé Hennemann © Johanna Henritius)