Pourquoi me réveiller, ô souffle du Printemps

Pourquoi me réveiller, ô souffle du Printemps

Outre la réouverture progressive des salles de spectacle, l’événement de cette nouvelle production de Werther, par l’Opéra de Nice, est la venue de la mezzo-soprano lyonnaise Anaïk Morel dans le rôle de Charlotte, un rôle pratiquement créé de toute pièce par Jules Massenet et ses librettistes. Un défi vocal et théâtral. A découvri du 2 au 6 juin !

Avant de devenir un des opéras français les plus célèbres, Werther a traversé bien des orages et des tourments dignes du malheureux destin de son héros éponyme… À l’issue d’une longue période de composition pendant laquelle virent le jour cinq autres opéras, Massenet se voit refuser son ouvrage, jugé trop triste pour le public de l’Opéra-Comique. Un incendie, une première création en allemand à Vienne, puis un retour en demi-teinte à Paris précédèrent le moment tant différé du véritable succès. Il aura fallu attendre 1903 pour que Werther s’impose définitivement dans la nouvelle Salle Favart, en devenant aussi populaire que Manon.

Le public a d’abord été désorienté par cette adaptation française des Souffrances du jeune Werther (1774), le fameux roman épistolaire de Goethe dont le retentissement avait été considérable dans toute l’Europe romantique. Debussy prétendait que Massenet était « victime des belles écouteuses » et qu’ « il avait le génie des teintes claires et des mélodies chuchotantes dans des œuvres faites de légèreté ». Longtemps, l’auteur de Werther aura été incompris et suspecté de composer sans autre dessein que de procurer un plaisir immédiat. Pourtant, sa partition révèle à chaque moment une maîtrise parfaite, créant ainsi l’atmosphère unique de ce drame intimiste qui oppose le rêve et la mort d’un côté aux impératifs d’un ordre bourgeois de l’autre.

Un drame intimiste en 4 actes

Le premier acte expose les faits avec une grande rapidité : Werther et Charlotte se rencontrent avant le bal pour lequel ils partent ensemble. À peine se sont-ils éloignés qu’Albert, le fiancé de Charlotte, revient inopinément. Après le bal, Werther déclare d’emblée son amour à Charlotte au cours d’une scène au clair de lune qui faisait l’admiration de Gabriel Fauré. La jeune fille se montre sensible à cette déclaration enflammée, mais, coup de théâtre, son père vient rompre ce premier duo en annonçant le retour d’Albert. Werther s’abandonne au désespoir et prédit qu’il en mourra. Une seule soirée a donc suffi pour nouer tous les fils du drame. Werther connaît la passion, se déclare, apprend le retour de son rival et pense au suicide dans un même et seul acte.

À l’acte suivant, Charlotte est déjà mariée à Albert qui cache sous une apparente bonhommie une extrême cruauté. C’est lui qui fera porter à Werther les pistolets nécessaires à son suicide. Charlotte exige de Werther qu’il s’éloigne jusqu’à Noël.

Au troisième acte, dans une grande scène d’explication, la jeune fille le repousse définitivement après s’être abandonnée un bref instant. Le dernier et quatrième acte constitue la modification la plus importante que les librettistes apportent au roman initial. L’agonie de Werther dans les bras de Charlotte permet un ultime et déchirant duo auquel les joyeux échos d’un chant de Noël enfantin apportent un cruel contrepoint.

La mise en scène, présentée à Nice par Sandra Pocceschi et Giacomo Strada, permettra « de convoquer certaines de nos réalités contemporaines. Menaces climatiques, destruction de la nature par la société industrielle, écologie, expérimentations communautaires autarciques, individualisme, danse au-dessus du volcan, œillères qu’il nous faut endosser pour que le présent reste supportable ». Dans le rôle-titre, on retrouvera le ténor Thomes Bettinger, qui chantera pour la première fois Werther alors que l’on retrouvera le niçois Jean-Luc Ballestra dans le rôle d’Albert, l’Orchestre Philharmonique de Nice étant dirigé par Jacques Lacombe.