Les maux dit par le corps

Les maux dit par le corps

Nous avons fait la découverte de la Cie PAM en février à l’Entre-Pont, alors en résidence de création pour sa pièce Trauma, mon corps qui bat. Ce spectacle très engagé, où se rencontrent les disciplines, sera visible ce samedi 12 juin, à l’occasion du festival L’Autre Émoi, à Nice.

La Cie PAM (Pour des Arts en Mouvement) est une jeune compagnie parisienne à la croisée de la danse contemporaine et de la danse voltige. L’Entre-Pont, lieu de résidence pour la création en art vivant implanté au 109 à Nice, les a accueillis en février pour l’élaboration d’une pièce chorégraphique qui a beaucoup à dire… Et c’est le corps qui a la charge d’exprimer ses maux ! Trauma, mon corps qui bat met en scène le conflit intérieur ressenti par chaque victime de traumatisme, et expose les dommages causés par les troubles du stress post-traumatique (TSPT). Nous connaissons tous le stress, notamment dans les périodes complexes (particulièrement ces derniers temps…), mais finalement que savons-nous réellement des troubles qu’il provoque ?

Troubles et traitements

Les TSPT est une réaction psychologique qui se manifeste à la suite d’un incident traumatisant (vol, attentat, viol, décès, agression, maltraitance…). De cette réaction naissent des sentiments incontrôlables de peur, d’angoisse, de tristesse, de dégoût, etc., altérant la vie et le quotidien de la victime. Grâce à des études scientifiques, nous savons aujourd’hui que nos actes moteurs influencent nos actes de pensées (et inversement), si bien que nous devons notre premier filtre émotionnel à une perception kinésique du monde. Cette surcharge émotionnelle que provoquent des souvenirs traumatiques entraîne des opérations involontaires sur la musculature profonde à tel point que la personne atteinte de TSPT ne considère plus la vie, le monde, et les affects suscités par ceux-là, de la même manière. C’est donc finalement toute l’inflexion que nous avons au monde qui se retrouve bouleversée radicalement, de manière destructrice, agissant tant sur notre fonction posturale que sur notre fonction expressive.

L’EMDR (Eye Movement Desentitization and Reprocessing), qui signifie en français Désensibilisation et Retraitement par les Mouvements Oculaires, est une technique thérapeutique visant à ranimer les émotions perturbatrices ressenties lors de l’événement traumatique afin de les recoder pour que le cortex puisse traiter l’information… Eh oui, un peu à la manière dont on code un ordinateur, le corps et ses affects sont aussi à recoder pour que les sensations puissent être « ranger ». Ne vous inquiétez pas, votre corps fait ça constamment, il réarticule sans cesse vos perceptions, vos sensations et les sentiments que ça vous procure pour enrichir votre manière d’être au monde. Le problème avec les TSPT, c’est que les émotions éprouvées restent bloquées dans notre cerveau limbique et n’atteignent pas le cortex pour les intégrer. D’où l’intérêt de l’EMDR : chatouiller les méchants sentiments dans une stimulation sensorielle pour que l’on puisse les réarticuler et les véhiculer là où ils doivent être… Mais vous devez vous demander pourquoi je vous parle de tout ça ?!

Trauma, mon corps qui bat

À la croisée des sciences et de l’art-vivant, spécifiquement la danse, Trauma, mon corps qui bat est né d’un désir de prendre la parole sur le sujet à travers le corps, le premier concerné finalement. Très présents dans la lutte contre les violences faites aux femmes, les membres de la compagnie ont fait le choix dans la narration de prendre le regard d’une femme brisée atteinte de TSPT à la suite d’un viol. C’est alors qu’une grande équipe se dessine, orchestrée par un père auteur, André Quaderi, professeur à l’université de Nice en psychologie, et sa fille chorégraphe, Anne Quaderi. L’histoire parcourt la vie d’une femme avant son traumatisme jusqu’à la guérison : un moyen de déployer les outils pour éveiller les consciences sur le sujet, et de proposer des réponses.

Pas toujours évident à discerner par les proches, il arrive fréquemment qu’une personne atteinte de TSPT vive en solitaire avec ses sentiments d’impuissance, car tout ça se joue dans le corps. Parfois, les mots pour aborder certains maux ne suffisent pas, alors en apprenant à écouter les corps, peut-être qu’on peut en percevoir les échos. C’est donc à travers la danse voltige notamment que Trauma s’exprime, un choix qui raconte beaucoup : entre la légèreté que procure l’absence de gravité et le harnais qui supporte le poids du corps dans cette plénitude aérienne. En tout cas, aborder certaines questions quant aux violences faites aux femmes par le biais d’un autre terrain (celui de l’art !), voilà de quoi ouvrir les champs des possibles et accroître les résonnances sur les sujets !

Festival L’Autre Émoi
Maintenant, que j’ai à mon tour participé à la chaîne de transmission, je vous invite à retrouver Trauma le 12 juin dans le cadre du festival L’autre Émoi, organisé par la Cie Le Grain de Sable, à l’Entrepont. Cette dernière mobilise la création en art vivant depuis plus de 30 ans dans le secteur de la santé, notamment auprès de personnes en situation de handicap. Le festival L’autre Émoi est un temps riche en rencontres et en échanges autour de la création liée aux nouvelles pratiques et rapprocher les différents publics. La veille, le festival aura accueilli le spectacle Un amour mortel, présenté par les jeunes du SESSAD (IME de la Corniche fleurie- APREH Nice), sous le direction artistique de Jannick Farrugia.

(photo : Trauma, Cie PAM © Kenny Briolotta)