Entretien avec un maître

Entretien avec un maître

Le musée Picasso d’Antibes propose une expérience inédite ! Il rassemble en un seul et même lieu dix chefs d’œuvres issus d’une des plus grandes collections privées au monde : la collection Nahmad.

« Donnez-moi un musée et je le remplirai !« , a dit un jour Pablo Picasso. C’est quasiment chose faite, puisque neuf toiles du maître exécutées entre 1905 et 1971 sont actuellement accrochées sur les murs du Musée qui porte son nom à Antibes. « Picasso est ici chez lui : il est à Antibes, comme on est à l’être aimé« , souligne Jean-Louis Andral, directeur de l’établissement. La dixième œuvre est une toile de 1954 de Mark Rothko, exposée en vis-à-vis de la célèbre œuvre inachevée de Nicolas de Staël, Le Concert. Pour la petite histoire, c’est le 16 mars 1955, après avoir écrit à son marchand Jacques Dubourg, « Je n’ai pas la force de parachever mes tableaux« , que l’artiste russe, âgé alors de 41 ans, mit fin à ses jours, léguant par la même occasion ce Concert inachevé à la ville d’Antibes.

« À rebours de l’exposition traditionnelle qui réunit et associe, il est là non plus question d’accumulation, mais de concentration et de réception de l’objet dans sa singularité pour la contemplation et l’interprétation« , explique le directeur du musée. Chacune des salles accueille ainsi une seule œuvre, parfois deux. Rassembler autant de chefs d’œuvres en un seul lieu est chose rare, c’est pourquoi Jean-Louis Andral estime que c’est « plus qu’une exposition » qu’il nous est donnée à voir, c’est une véritable « installation dans l’espace changeant des galeries du musée, pour une rencontre originale entre une œuvre et une architecture. »

C’est grâce à la famille Nahmad, originaire de Syrie, que le public azuréen peut aujourd’hui profiter de ces chefs d’œuvre entrés progressivement dans le giron familial au cours du 20e siècle. L’aventure débuta avec des travaux d’artistes contemporains italiens, et grâce à Aimé Maeght, des œuvres de Miró, Kandinsky ou encore de Chagall suivront. Puis ce sera au tour de Juan Gris, qui lancera réellement la collection, car difficilement revendable, et de Picasso… Selon Helly Nahmad, pour bien comprendre une œuvre du peintre espagnol, « il faut le mettre contre un mur et s’asseoir devant avec une ou deux autres personnes ; on le regarde, on parle, on s’arrête, on réfléchit, on parle d’autre chose et on recommence à le regarder. C’est d’ailleurs ainsi qu’a procédé le peintre, il ne l’a pas peint d’une traite. (…) Il nous faut aussi prendre le temps de cet échange que le peintre a eu avec l’œuvre, et c’est ce qui est possible ici avec un seul tableau par salle : cette concentration de la vision, ce dialogue singulier entre le regard de l’artiste sur le tableau qu’il peint et celui du spectateur auquel il est destiné. »

Jusqu’au 31 oct, Musée Picasso, Antibes. Rens: antibesjuanlespins.com

(photo : Pablo Picasso, Les Femmes d’Alger (Version H), 24 janvier 1955, Huile sur toile 130.2 x 162.3 cm, Collection Ezra et David Nahmad © Succession Picasso, 2021 © Patrick Goetelen)