09 Sep Festival de Mouans-Sartoux : « Un forum d’idées nouvelles »
Après une édition 2020 tronquée par la crise sanitaire, le festival du Livre de Mouans-Sartoux s’apprête à célébrer sa 34e édition sur le thème : Toujours la vie invente ! Sous le commissariat de Marie-Louise Gourdon, plusieurs milliers d’amateurs de littérature et de débats sont attendus du 1er au 3 octobre.
S’il est aujourd’hui l’un des plus importants festivals du livre en France, c’est en partie grâce à elle. Marie-Louise Gourdon y a œuvré avec passion et une certaine vision de la société. Une vision humaniste, sensible aux enjeux environnementaux et aux grands sujets de société, à l’image des différentes thématiques qui ont jalonné le festival depuis sa création, et des invités qui ont marqué de leur présence l’histoire de la manifestation. À un mois du festival, nous l’avons rencontrée pour évoquer les temps forts et nouveautés de cette nouvelle édition.
Toujours la vie invente ! Pouvez-vous nous expliquer la thématique choisie cette année ?
L’environnement, comme tous les ans, sera le fil rouge de cette nouvelle édition. Mais aujourd’hui, l’urgence climatique éclate. Il est important de rappeler aux gens que ce n’est pas pour dans 50 ans, mais déjà maintenant ! Tous les événements qui ont eu lieu sur la planète cet été dans la région, en France, en Europe, et dans le monde, ont montré à tout le monde qu’on est déjà dedans, avec tous les effets catastrophiques qu’on peut en attendre. Cette prise de conscience-là a eu lieu chez un certain nombre de personnes, alors maintenant l’idée est de présenter un ensemble de rencontres, de films, de personnalités qui portent des solutions, des idées. L’important est de ne pas rester dans la sidération ou le catastrophisme ! On est sur Terre, on a l’intention d’y rester, d’y vivre correctement, donc à nous de jouer pour empêcher d’arriver à la barre fatidique des 2°c de plus.
Ce thème, nous l’avons voulu résolument optimiste. Car on sait très bien que des choses sont possibles. Elles dépendent des volontés des Etats bien sûr, et de la volonté de chacun de nous, qui participons à cette gabegie sur les ressources et les énergies. Je pense que nous n’en sommes plus à chercher les plus grands responsables, on en est à tous se mettre au travail pour trouver des solutions. Toujours la vie invente, c’est donc tenter de trouver ce qu’il y a d’optimiste dans ce qui nous entoure, malgré tout. On a par exemple invité Laure Noualhat, qui a écrit Comment rester écolo, sans finir dépressif ! Cet ouvrage résume bien l’idée.
Le festival est donc en quelque sorte un laboratoire d’expériences humaines et sociales ?
Depuis 34 ans, le Festival du Livre a toujours joué le rôle de tribune, de forum d’idées nouvelles. Grâce aux gens qu’on a invité, qui ont développé des idées d’avenir, des solutions, le festival nous a formé en quelque sorte, nous les élus de Mouans-Sartoux, mais aussi les associations et les citoyens, à toutes ces questions d’écologie, de biodiversité, de climat… Autant de sujets qu’on n’évoquait pas de la même manière à l’époque. C’est pour ça que le festival occupe cette place particulière dans la région : ce n’est pas seulement un endroit où l’on vient rencontrer des auteurs, c’est un endroit où l’on apprend beaucoup de choses, où l’on apprend comment s’impliquer. Quand on invite des gens comme Pierre Rabhi, Cyril Dion, Edgar Morin, Axel Kahn, des gens comme ça, cela nous éclaire ! Cette année, on aura par exemple Hubert Reeves, en visio, car il ne peut plus se déplacer. Les gens seront dans le Parc du Château – ou ailleurs, on est en train d’y réfléchir techniquement – et auront la possibilité de discuter avec lui. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut échanger avec un homme comme lui ! On aura aussi, en vrai, notre centenaire Edgar Morin, toujours aussi vif et gaillard. Ce monsieur a quand même écrit encore trois bouquins entre les deux derniers festivals, c’est extraordinaire ! Bon, il m’a quand même dit : « Cette année, par contre, pas de grande conférence ! » (rires)
Je remarque également parmi vos invités, la présence de l’astrophysicien Aurélien Barrau, auteur en 2020 de l’ouvrage Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité.
Oui, Aurélien Barrau viendra faire une lecture. Comme quoi, les gens ont de nombreuses facettes ! Il est à la fois physicien, écologiste engagé et poète. Il lira quelques poèmes, et enchaînera avec un débat autour de ses idées. Des idées qui ont d’ailleurs beaucoup évolué. Il était au départ un peu catastrophiste, mais il commence à parler davantage des solutions possibles.
Puisqu’on parle de solutions, de résistance à l’immobilisme, je vois que Boris Cyrulnik fait aussi partie du plateau d’invités. Croyez-vous vraiment en la résilience humaine ?
Je dirais plutôt qu’on est dans un état d’esprit de lucidité. On est responsable de nos actes et de ce qu’on fait de notre avenir. Nous n’avons pas les mains liées, on vit et on participe de tout ça. Mais il faut qu’on y participe positivement et activement. C’est en fait ça l’idée qui sous-tend tout le festival.
Comme chaque année, le festival du livre de Mouans-Sartoux proposera donc des conférences et rencontres avec quelques-uns des 300 auteurs invités, mais aussi des concerts et spectacles. Car s’il se veut un forum d’idées, le festival est aussi un événement festif…
Alors déjà, la grande nouveauté, c’est que tout le festival sera gratuit ! Que ce soient les rencontres, les conférences, les spectacles. Seules les projections au cinéma seront à un tarif relativement raisonnable de 5,60€. Cette année, après quasiment deux ans de « vide », ou presque, on avait envie de retrouver des moments de partage, de joie, et on avait envie que ce soit accessible au plus grand nombre, sans barrières. On travaille d’ailleurs depuis quelques années avec toutes les scènes du département : Théâtre de Grasse, Anthéa à Antibes, Scène 55 à Mougins, Théâtre de la Licorne à Cannes, le Forum Prévert à Carros, le Théâtre National de Nice. Chacun de ces lieux viendront avec un spectacle que l’on proposera gratuitement ! Cette présence leur permettra aussi de présenter au public leurs programmes pour la saison 2021-2022. En cette période, je pense qu’il est important d’être main dans la main pour faire de cette rentrée une rentrée qui aura l’air la plus normale possible.
Edmond Baudoin © Renaud Montfourny Ernest Pignon-Ernest © DR
Un nouvel espace entièrement consacré à la BD, où l’on pourra notamment croiser Jacques Ferrandez et Edmond Baudoin, fait également partie des nouveautés.
Cette année, nous avons décidé de rassembler toute la BD au sein d’un seul et même espace dédié au 9e Art. Auparavant, elle était avec l’espace jeunesse, qui lui devient un bel espace ado-jeunesse. Nous aurons aussi un nouvel espace lecture au cœur du parc du Centre culturel des Cèdres. En fait, on a voulu étendre la manifestation sur le plus de lieux possibles, car on a la chance d’avoir tous nos sites rassemblés autour du boulevard urbain, qui deviendra piéton durant toute la manifestation. C’est aussi une question de fluidité, de circulation des publics. Nous aurons ces espaces, mais aussi le cinéma, qui est un pivot du festival où se tiendront des conférences, débats et projections.
Justement, question cinéma, vous proposez toujours une belle programmation avec quelques avant-premières. Mettez-nous l’eau à la bouche…
On aura l’avant-première de Animal de Cyril Dion, en sa présence, et suivie d’un débat. Le cinéaste sera également là pour une lecture de ses propres textes poétiques avec l’Orchestre de Cannes ! Le réalisateur israélien Amos Gitaï sera aussi présent à Mouans-Sartoux. On avait fait un pari il y a quelques années avec lui, la première fois qu’il était venu. Il m’avait dit : « Je reviendrai tous les deux ans« . Eh bien, voilà. Il présentera Laila in Haifa qui sort très bientôt. C’est un réalisateur et un homme très original qui a une attitude extrêmement lucide et réaliste par rapport à son pays. On recevra aussi Aïssa Maïga avec Marcher sur l’eau. C’est un film sur la sécheresse au Niger, un film à la portée poétique extraordinaire sur le réchauffement climatique dans les pays où il n’y a déjà quasiment plus d’eau… On est également très contents d’avoir les avant-premières de Respect, un biopic sur Aretha Franklin, et d’I am Greta. Ce film sera suivi d’un débat avec les jeunes qui auront envie de prendre la parole autour du portrait de Greta Thunberg.
Cyril Dion © DR Adeline Dieudonné ©Céline Nieszawer/Leextra/L’Iconoclaste
Vous accordez aussi une grande importance à la jeunesse avec de nombreux auteurs spécialisés, mais aussi quelques spectacles…
Oui effectivement, il y aura des rencontres avec un certain nombre d’auteurs, des films jeunesse, des spectacles pour toute la famille. Il y aura notamment un conte amazonien magnifique (Plumes, poils, écailles de Fanny Charrasse) qui sera donné le dimanche matin, et une soirée originale, le samedi soir, qui permettra de rencontrer les auteurs autrement ! Je pense qu’après ce que nous venons de vivre, on a besoin de se rencontrer, de se retrouver de façon conviviale. Cette soirée s’appelle La Veillée. Des auteurs seront interviewés et raconteront, de façon plus personnelle que lors d’une rencontre traditionnelle, des événements et anecdotes qui ont marqué leur vie. Ils parleront au public comme lors d’une soirée entre amis, autour du feu. Pour l’instant, Bernard Weber, Ernest Pignon-Ernest et la pétillante Adeline Dieudonné ont déjà répondu présents. On attend encore les réponses de Charline Vanhoenacker et de Laure Noualhat. Une soirée avec des personnalités très différentes donc, qui proposera une autre approche de ces auteurs qu’on a l’habitude de rencontrer autour d’un livre.
Puisqu’on évoque une dimension plus personnelle, en tant qu’organisatrice du festival, vous devez bien avoir des coups de cœur parmi les invités ?
Oh oui, j’ai trois coups de cœur que j’ai particulièrement envie de mettre en valeur cette année. Ce sont de jeunes auteurs qui ont sorti leur premier ou deuxième ouvrage cette année. Il y a Marin Fouqué, dont l’écriture m’a époustouflée par sa force. J’ai fini son roman avec des palpitations, je le lui ai dit ! C’était juste puissant. C’est un jeune écrivain qui est en résidence d’auteur chez nous à Mouans-Sartoux en ce moment. Son premier livre s’appelait 77, et son deuxième s’appelle G.A.V., ce qui signifie garde à vue. Les deux autres sont Adeline Dieudonné, une auteure qui m’a frappée presque physiquement tellement son écriture est forte, et Hadrien Bels, qui a écrit Cinq dans tes yeux, l’histoire de jeunes à Marseille telle qu’on peut l’imaginer aujourd’hui…
PARMI LES 300 INVITÉ.E.S
Nancy Huston, Adeline Dieudonné, Laure Adler, Edgar Morin, Guillaume Musso, Olivier Weber, Ernest Pignon-Ernest, Etienne Klein, Cyril Dion, François Bégaudeau, Aurélien Barrau, Céline Curiol, Boris Cyrulnik, Jean Viard, Didier Van Cauwelaert, Marin Fouqué, Camille Kouchner, Hubert Reeves (en visio), Abdennour Bidar, Clara Arnaud, Inès Orchani, Yasmina Khadra, Bernard Werber, Arno Bertina, Gilles Clément, Marie-Monique Robin, Joël Baqué, Fabrice Papillon, Hubert Testard, Susan George, Patrick Baud, Néhémy Pierre-Dahomey, Géraldine Leroux, Benoît Bringer, Vincent Courboulay, Sarah Diffalah & Salima Tenfiche, Valentin Musso, Laure Noualhat, Gilles Luneau, Codex Urbanus, Ghada Hatem-Gantzer, Hadrien Bels, Christelle Dabos, Cassandra O’Donnell, Justine Brax, Sébastien Telleschi, Raphaële Frier, Carina Rozenfeld, Jennifer Dalrymple, Elsa Oriol, Timothée de Fombelle, Yaël Hassan, Vincent Villeminot, Rachel Corenblit, Natacha Henry, Jacques Ferrandez, Stan Silas, Kid Toussaint, Edmond Baudoin, Aurélie Guarino, Ptiluc, Fabrice Erre, Thierry Dubois…
LECTURES & SPECTACLES
Lectures – Nancy Huston & Jean-Marie Théodat, René Frégni, Céline Curiol, Antonio Carmona.
Concert littéraire – Orchestre de Cannes et Cyril Dion : La phalange cannoise, dirigée par Benjamin, accompagnera l’écrivain, réalisateur et militant écologiste français, qui lira quelques-uns de ses textes poétiques.
Lecture musicale – Aurélien Barrau & Desert Street : Aurélien Barrau lira des extraits de son dernier ouvrage poétique Météorites, ponctués d’improvisations musicales du groupe Desert Street, entre blues, funk et flamenco.
Gard’av – Marin Fouqué : Auteur en résidence à Mouans-Sartoux, et coup de cœur de Marie-Louise Gourdon pour cette édition 2021, le jeune auteur pro-pose, plus qu’une simple lecture, une véritable performance mêlant chant, rap, prose et… grondements ! Conçu comme une excroissance, un écho à son 2e roman G.A.V., Marin Fouqué y poursuit sa radiographie de notre société fracturée, grâce à des textes inédits.
La veillée – Patrick Baud et Damien Maric : Se réunir autour d’un feu pour échanger des histoires entre amis, avec les bruits de la nuit en fond sonore et la forêt pour décor… Voilà le genre de moments qu’ont voulu recréer Patrick Baud et Damien Maric, en invitant quelques auteurs, dont Bernard Werber et Ernest Pignon-Ernest, à se raconter, autrement.
La conférence du gag – Bernstein & James : Avec la rigueur de concessionnaires automobiles américains et le charisme de physiciens tchécoslovaques, les auteurs de la BD L’école du gag proposeront un cours magistral illustré de 43 min et 22 sec consacré au phénomène humoristique, entrecoupé d’exercices pratiques, de mises en débat et de mots clés notés en direct sur paperboard.
Plumes, poils, écailles – Fanny Charrasse : Conte écologique amazonien qui raconte de manière poétique les grands enjeux de notre temps : déforestation, destruction de la biodiversité, dérèglement climatique, OGM et nourriture industrielle, migrations forcées… Tout en rendant hommage à la solidarité, à la sagesse, à l’altruisme et à l’action collective.
Les chants dans les champs – Cosima Jentzsch : Voyage vivant et coloré à travers plusieurs contes afro-américains, amérindiens et acadiens proposé aux sons de divers instruments de musique sur le thème de la Nature.
Animations dans les écoles : Pour cause de restriction Covid, le festival est dans l’impossibilité d’accueillir les écoliers. Qu’à cela ne tienne ! Toute la semaine précédant la manifestation, le festival se déplacera dans les écoles et offrira des rencontres avec des auteurs.
PROJECTIONS
Animal en présence de Cyril Dion
Laila in Haifa en présence d’Amos Gitaï
Marcher sur l’eau en présence de Aïssa Maïga
Respect de Liesl Tommy
I am Greta de Nathan Grossman
Why we cycle de Arne Gielen, Gertjan Hulster
Des hommes de Lucas Belvaux
Rouge de Farid Bentoumi
Douce France de Geoffrey Couanonµ
Une fois que tu sais d’Emmanuel Cappellin
Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman
L’île invisible – Fukushima, à la recherche de l’esprit de la zone en présence de Keïko Courdy
Le Loup et le lion de Gilles de Maistre
Trésor du petit Nicolas de Julien Rappeneau
PROGRAMME DU FESTIVAL EN TÉLÉCHARGEMENT ICI !
1er au 3 oct, Mouans-Sartoux. Rens: lefestivaldulivre.fr
(photo : Marin Fouqué, performance Gard’av, coup de coeur 2021 de Marie-Louise Gourdon © Safia Bahmed-Schwartz)