Un acte de mémoire pour mieux se tourner vers l’avenir

Un acte de mémoire pour mieux se tourner vers l’avenir

Cet automne aura été riche en évènements pour la Cie /TranS/ fondée par Laurence Marthouret : de la reprise de la pièce chorégraphique Seule au Théâtre Francis Gag à la présentation de Rituels, projet de vidéo-danse, sans oublier le troisième volet du festival Les Inclassables, les propositions très variées se sont enchainées témoignant de la vitalité de la compagnie.

Rituels pour un renouveau

Le film Rituels est un triptyque qui se caractérise par une écriture croisée entre la danse, l’architecture et la musique. Deux parties – Nuit et Equus Caballus – ont été filmées au 109, le pôle des cultures contemporaines de Nice qui, rappelons-le, est installé sur le site des anciens abattoirs de la ville. Ce projet s’inscrit comme une sorte d’acte de mémoire par rapport aux futurs projets liés à la réhabilitation de ce lieu devant permettre l’accueil de nouvelles compagnies qui offriront un large panorama artistique pluridisciplinaire. Laurence Marthouret travaille entre les murs du 109 depuis cinq ans : « les lieux m’habitent« , reconnaît-elle. Or, sur cette vaste superficie située à la lisière du centre-ville, certains espaces qui ne sont pas encore utilisés ont conservé leur aspect premier. C’est notamment le cas des anciennes étables à cochon où ont été tournées deux des vidéos de Rituels. Le lieu constitué de petits box entraîne nécessairement une relation à l’espace particulière. Dans ce contexte singulier se pose le questionnement de notre rapport à l’animal et plus encore celui de l’homme qui travaillait au quotidien en ces lieux. « Dans les abattoirs, on passe sous silence le trauma engendré chez l’homme. Ce n’est pas anodin. » Dans ces espaces subsistent de puissantes machines, des crochets, des objets qui sont autant de témoignages silencieux de l’activité passée : « il persiste une perception sensible et plastique de ce bâtiment et de ce qui se passait ». Pour Laurence Marthouret, il semblait important de faire œuvre de mémoire de ce patrimoine voué à disparaître avant qu’il ne s’ouvre sur un renouveau, sur une nouvelle forme de vie.

La troisième vidéo intitulée Eclipsis a été tournée en extérieur, mais toujours en lien avec le lieu puisqu’il s’agit du parc du Vinaigrier qui surplombe les Abattoirs. Pour cette aventure, elle s’est entourée de l’Ensemble Inicia, un collectif de trois compositeurs (Alizera Farhang, Antonin Servière et Patrick Marcland) qui vise à faire rayonner la création musicale contemporaine, et des danseurs Angélique Pacchiotti, Catarina Perñao et Carlo Schiavo qui ont su s’investir sur un sujet fort et dans des conditions parfois difficiles.

Une première présentation du film a été proposée début octobre en préambule à sa diffusion officielle à partir de 2022. Dans la continuité de son travail artistique et humain, la Cie /Trans/ a également invité un public très diversifié à partir à la découverte de la danse baroque.

Faire rayonner la danse vers tous les quartiers de Nice

Pour Laurence Marthouret, le positionnement géographique du 109 permet une véritable jonction avec la possibilité de faire rayonner l’art vers le public des quartiers alentour. Elle a donc conçu la troisième partie du festival Les Inclassables dans cette optique. En compagnie du chorégraphe Bruno Benne, fondateur de la Cie Beaux-Champs, elle a imaginé plusieurs moments de partage placés sous le signe de la danse baroque. « Il s’agit d’une danse baroque revisitée. Celle-ci est très inventive : rien n’est figé. Le baroque est plus proche du monde contemporain que le classicisme. Il participe à une histoire en mouvement. Il existe une véritable énergie baroque : c’est un courant qui est inventif, gai, généreux, où l’on danse avec l’autre, pour l’autre. »

En parallèle à une semaine de résidence au studio du 109, les artistes ont participé à un atelier de médiation au pôle social de Roquebillière. « Il est important d’aller vers les gens pour les inviter ensuite à venir et briser la peur de ce qui est différent. » Ce type d’action s’accompagne également d’une transmission qui permet de donner quelques clés pour comprendre le travail des artistes. « Cela permet d’aiguiser l’écoute, le regard. Des liens solides se construisent ouvrant sur une construction progressive et cohérente. »

Cet été, une action un peu similaire dans l’esprit avait été menée avec la Cie Belles Absentes, basée sur la découverte d’une poésie en mouvement à la Bibliothèque Léonard de Vinci de l’Ariane. Cette rencontre avait débouché sur des moments d’une belle sincérité. L’édition d’automne du festival Les Inclassables s’est achevée cette fois par un bal baroque dans lequel la danse redevient une relation d’échange grâce à son aspect social. « La culture peut servir de lien social et faire tomber les barrières. » C’est dans cet esprit que Laurence Marthouret réfléchit déjà à la 5e édition du festival afin de lier les quartiers environnants à la structure du 109 et de favoriser la mixité des publics autour d’œuvres exigeantes.

(photo Une : Rituels © Frédéric de Faverney)