ANPEIP : 50 ans au service des enfants intellectuellement précoces

ANPEIP : 50 ans au service des enfants intellectuellement précoces

L’Association Nationale Pour les Enfants Intellectuellement Précoces (ANPEIP), la première association pour les enfants intellectuellement précoces en france est niçoise. Elle fêtera ses 50 ans le 27 novembre prochain, lors d’une journée de conférences et débats, au Centre Universitaire Méditerranéen de Nice.

Certains les appellent précoces, surdoués, haut potentiels, zèbres ou multipotentiels. Leur profil est tellement particulier que ces enfants peuvent être parfois en décalage avec l’école, leur travail, leurs amis ou leur conjoint. C’est à Nice qu’est née la toute première association pour les enfants à haut potentiel sous l’impulsion du psychologue, Jean-Charles Terrassier, du couple Binda, de Patrick Rzewuski et de plusieurs parents bénévoles tous concernés par la précocité de leurs enfants.

Toujours basée Nice, l’ANPEIP Fédérationrayonne à présent dans tout l’hexagone, et même au-delà des mers, à travers ses antennes régionales. Jean-Charles Terrassier, spécialiste reconnu internationalement sur ces questions, avait observé de multiples décalages vécus de façon spécifique par ces enfants et a créé le terme « dyssynchronie », terme maintenant intégré par le Larousse. Interview croisée d’un tandem atypique, Monique Binda (MB) et Jean-Charles Terrassier (JCT).

Comment l’ANPEIP est née à Nice ?

JCT : Je suis originaire de Cannes où j’ai fait mes études secondaires. Puis, c’est à Paris-Sorbonne que j’ai fait ma formation de psychologue. En 1968, j’ai monté une antenne Mensa à Nice. Or, cette association ne regroupe que des adultes à haut potentiel (HP). En 1971, j’ai proposé de créer l’ANPES exclusivement centrée sur les enfants et qui s’intitule ANPEIP depuis 1987.

MB : Nous sommes tous de la région niçoise, donc Nice s’est imposée naturellement comme lieu de notre siège. Nous avons été chanceux, car la municipalité nous a épaulés à cette époque et nous aide encore à ce jour.

Avez-vous reçu beaucoup de familles en détresse ?

MB : Oui, beaucoup ! Nous continuons de recevoir des demandes de parents pensants que leur enfant est HP et qui ont des difficultés à les comprendre et à les gérer. Notre association propose pour nos membres des ateliers, des groupes de paroles et des conférences tout public. Nous organisons également des sorties dans la région niçoise ce qui permet aux parents et aux enfants de se rencontrer. L’ANPEIP est habilitée, par agrément, à former sur ce sujet le corps enseignant, les responsables d’établissements et les professionnels de l’enfance pour identifier et accompagner les enfants précoces.

JCT : Ces enfants vivent des décalages spécifiques qui dureront toute leur vie. Leur développement intellectuel très rapide les met en décalage avec le rythme de progression standard proposé par l’école, mais également avec les camarades du même âge qui ont rarement les mêmes centres d’intérêt. Ils présentent également un décalage interne entre leur précocité intellectuelle, et leur développement affectif et psychomoteur simplement dans la norme de leur âge. L’enfant peut être très en avance dans certains domaines, mais aussi et paradoxalement, très immature sur d’autres plans. L’intelligence a un « effet loupe » sur l’environnement qui devient alors parfois anxiogène. À partir d’un QI de l’ordre de 125 points, il convient de prendre particulièrement en compte la précocité d’un enfant et de ses dyssynchronies si l’on veut proposer une réponse éducative adaptée favorisant la pleine expression de sa personnalité.

Comment travaillez-vous avec les établissements scolaires de la région ?

MB : Avec des experts pluridisciplinaires, nous avons organisé des formations pour les acteurs de l’Éducation nationale et nous sommes en relation avec les référents EIP (Enfants Intellectuellement Précoces) des académies, le but étant de faire connaître les spécificités de ces enfants puisque, statistiquement parlant, il y a en moyenne 1 à 2 enfants précoces par classe avec autant de filles que de garçons. Selon la croyance populaire, un enfant à haut potentiel s’en sortira toujours, alors que ce n’est pas toujours le cas. Et puis, certains y voient une certaine forme d’élitisme. Or, c’est complètement faux ! La douance intellectuelle serait en partie héréditaire selon les spécialistes. Il y a autant d’enfants HP chez les personnes d’origine modeste que dans les milieux aisés. Mais un enfant qui grandit dans un milieu défavorisé aura moins de chance de se faire repérer.

JCT : En fait, c’est la personnalité et le tempérament qui permettent ou altèrent l’expression du potentiel intellectuel. En 1986, le ministre de l’Éducation nationale, René Monory, m’a demandé un projet de classes pour enfants précoces, car il était conscient que l’école ne répondait pas à leurs besoins éducatifs. J’ai rapidement rédigé un projet qui a été mis en œuvre par le Recteur et l’inspecteur d’Académie. Ainsi, à Nice, à l’école Las Planas, de 1987 à 1990, a été créée, chaque année, une nouvelle classe de CP ouverte à des enfants de 5 ans ayant démontré une nette précocité intellectuelle. Malgré une belle réussite, cette entreprise a été stoppée en 1990, le ministre suivant ayant imposé une réforme qui allait répondre, croyait-il, aux besoins de tous les enfants : la « réforme des cycles ». On sait hélas, ce qu’il en est advenu. En 1988, s’est ouverte, à Nice également, au lycée Michelet, la première classe de 6e-5e pour enfants précoces. En 2002, j’ai collaboré à la commission de l’Éducation nationale qui a abouti au rapport Delaubier, admettant enfin les besoins éducatifs particuliers des élèves intellectuellement précoces. Ce rapport reconnaît leurs besoins, incite quelque peu les enseignants à les identifier, mais, en réalité, on attend trop souvent qu’ils soient en difficulté ou qu’ils aient des réactions bruyantes pour se poser les bonnes questions. Mieux vaut la prévention que la remédiation. Dans ce système scolaire qui peine à prendre en compte la diversité, certains enfants précoces souffrent parce que l’enseignement n’est pas adapté à leurs caractéristiques. Certains se renferment sur eux-mêmes, deviennent instables, car ils s’ennuient, et certains décrochent complètement. D’autres s’accommodent pendant des années de ce manque de stimulation, mais sont ensuite très peu préparés aux efforts nécessaires lorsqu’ils accèdent au lycée.

Avez-vous mené d’autres expériences ?

MB : En 2009, grâce à la loi Borloo, la mairie de Nice et la Caisse des écoles, nous avons mis en place un programme de réussite éducative pour des élèves à haut potentiel dans des ZEP. De nombreux enfants ont pu être identifiés en 5 ans et contrairement aux idées reçues, le nombre d’élèves que nous avons identifiés dans ces quartiers, est comparable à la moyenne d’enfants HP par classe, avec cependant un plus fort pourcentage des troubles d’apprentissage identifiés, et ce, grâce aux tests systématiques pour chaque enfant.

Aujourd’hui nous assistons à une grande médiatisation sur les spécificités de ces enfants.

JCT : Oui, parents et enseignants sont mieux informés maintenant. Mais il est essentiel de les identifier le plus tôt possible pour éviter le décrochage. Après la classe de 3e, il est plus difficile de les rattraper pour ceux qui sont en difficulté scolaire.

MB : Cette année, l’ANPEIP fêtera ses 50 ans le samedi 27 novembre au CUM. Nous proposerons une journée de débats et de conférences avec des spécialistes qui nous accompagnent depuis le début de notre action. Nous espérons les Azuréens nombreux et nombreuses !

27 nov 9h-18h, Centre Universitaire Méditerranéen (CUM), Nice
Entrée libre – Pass sanitaire obligatoire
Réservations : anpeip.50ans@anpeip.org ou cote-azur@anpeip.org
Rens : anpeip.orgfacebook.com/ANPEIPCotedAzurTwitter @AnpeipCAZ

(photo : Monique Binda et Jean-Charles Terrassier © DR)