Brisons le tabou des règles !

Brisons le tabou des règles !

La menstruation est l’affaire de toutes et tous. En France, 21% de femmes manquent de moyens pour acheter des protections périodiques. Parmi les 1,7 million de femmes en précarité menstruelle, celles-ci préfèrent durant cette période ne pas se rendre dans leur établissement scolaire ou universitaire ou à leur travail pour raisons financières. La plupart d’entre elles se font dispenser de cours de sport de peur de fuites ou que la serviette se décolle. Un risque de décrochage scolaire est donc bien présent chaque mois pour ces jeunes filles…

Or, les femmes ont en moyenne 500 fois les règles dans leur vie soit 200,000 tonnes de déchets / an composés de produits chimiques, dont 90% de plastique. Leur coût total est estimé entre 20.000€ et 40.000€ (achat des protections périodiques, des tampons, visites chez le médecin, médicaments divers, sous-vêtements et draps tachés, etc). 1 femme sur 10 souffre d’endométriose, une maladie invalidante liée à des règles extrêmement douloureuses. Le syndrome du choc toxique concerne 0,4% de femmes. Depuis 2016, les tampons et serviettes hygiéniques ne sont plus désormais considéré.es comme un produit de luxe avec une TVA à 20%, mais à 5,5% comme un produit de première nécessité.

De nos jours en France, les règles continuent d’être un sujet tabou. Qui n’a pas été victime ou témoin de remarques ironiques, sexistes ou déplacées en parlant de menstruations ?  Récemment, une marque de protection périodique a déclenché une polémique sous prétexte qu’un liquide rouge avait remplacé la pudibonde couleur bleue habituelle. Comme si, seul, ce sang-là était bleu… Curieusement personne ne s’offusque de voir du sang sur les petits et grands écrans. Alors pourquoi une culotte avec une tache de sang dérange-t-elle autant ?

Synonyme de honte, de maléfice, de rejet, de souillure et d’impureté, la menstruation est restée méconnue jusqu’au début du XXe siècle, où elle fut enfin associée à la découverte du mécanisme de l’ovulation. Depuis l’Antiquité, les médecins pensaient qu’il s’agissait d’une maladie puis d’un dérèglement intrinsèque à l’organisme féminin. Il était déconseillé de s’approcher d’une femme qui était « indisposée » ou de partager la même table. Celles qui souffraient d’endométriose étaient considérées comme des sorcières possédées par le diable en raison des douleurs occasionnées par cette maladie. Il était rapporté que les femmes avaient, ces jours-là, des envies de meurtre ou devenaient kleptomanes ou pyromanes. En outre, elles détenaient le pouvoir de rendre stériles la terre, les céréales, de faire tourner le lait, etc. L’accès aux lieux de culte leur était interdit. Avec les avancées gynécologiques, l’évolution des mœurs et l’émancipation des femmes à partir du XXe siècle, le regard de la société sur la menstruation a enfin évolué.

Ainsi depuis que la parole s’est libérée en ce début de siècle, l’un des derniers tabous de nos sociétés patriarcales est en train de tomber. Notons que la journée mondiale de l’hygiène menstruelle est célébrée. C’est le 28 mai… 28 pour 28 jours que compte le cycle menstruel et le mois de mai, car c’est le 5e mois de l’année, chiffre qui correspond au nombre moyen de jours que durent les règles : 5 jours. Il est à saluer le nombre croissant d’établissements en France qui proposent des protections périodiques gratuites à disposition des étudiantes, mais cette action reste encore marginale.

L’association monégasque, SheCan HeCan, intervient depuis quelques années dans les établissements monégasques pour casser le tabou des règles. Ce mois-ci, sa présidente, Vibeke Thomsen et sa consœur Kasey Robinson ont animé pour la première fois des ateliers participatifs dans une école privée niçoise. Le collège catholique Don Bosco les a accueillies dans ses classes de 5e et 4e. A cette occasion, elles ont distribué le kit premières règles, une boite composée de serviettes hygiéniques biodégradables et d’un livret intitulé, Le Guide de Tes Premières Règles. Leur achat a été financé par la banque monégasque, CFM-Indosuez, dans le cadre de ses projets philanthropiques.

Vibeke Thomsen, association féministe SheCan HeCan (SCHC)

« L’objectif de ces ateliers participatifs est d’informer, d’éduquer et d’amener à une prise de conscience des élèves autour du sujet de la menstruation et de l’utilisation de protections périodiques organiques, Notre action est triple : la distribution de protections périodiques organiques gratuites à des jeunes filles en classes de 5e et 4e dans des collèges, l’organisation durant le temps scolaire d’un atelier de 50 minutes sur la menstruation, afin de lever le tabou autour de ce sujet et la sensibilisation des élèves et du corps enseignant sur l’impact environnemental des déchets liés aux protections périodiques et comment en limiter les effets.

Nos actions de SCHC à Monaco sont nombreuses et couvrent la majorité des secteurs ayant trait à l’égalité, notamment le statut de chef.fe de foyer, l’avortement, l’égalité salariale, les violences faites aux femmes, ainsi que nos projets spécifiques. Actuellement, nous travaillons intensément sur les kits Premières Règles, qui visent à briser ce tabou. En outre, nous organisons régulièrement des ateliers sur l’égalité, l’équité et l’inclusion à destination des entreprises. Nous proposons des clubs de lecture pour les filles avec comme objectif la prise de parole, la confiance en soi et la découverte de biographies de femmes exceptionnelles et souvent oubliées. De tels ateliers sont indispensables afin de faire évoluer les mentalités de tous et toutes quel qu’en soit l’âge… »

Marie Langlois, professeure d’anglais et référente Egalité Fille-Garçon, établissement de Don Bosco

« En tant que référente, un diagnostic sur l’égalité a pu être posé dans notre établissement. De manière générale, il a été constaté que les garçons étaient plus souvent punis et que les filles étaient dévalorisées dans la prise de parole. Il y a eu une réflexion sur la gestion de l’espace urbain et sur les filières professionnelles que nous proposons qui sont, à ce jour, encore trop genrées. Bien entendu, nos élèves sont régulièrement sensibilisé.es sur les violences sexistes et sexuelles.

On est ravi.es de l’intervention de l’association SCHC. C’était très pertinent de parler aussi bien aux filles qu’aux garçons : d’aborder le cycle menstruel, le type de serviettes, les douleurs liées aux règles, les expressions utilisées, les moqueries, le rôle à jouer par les garçons. J’espère que les filles parleront plus librement des règles afin de briser ce tabou. J’aimerais que des distributeurs de serviettes périodiques soient mis en place d’autant plus que nous avons des jeunes filles en situation de précarité menstruelle au sein de notre établissement. Également, les filles ne devraient pas avoir à gérer l’angoisse de ne pas avoir de serviettes à disposition quand les règles arrivent. Elles ont déjà les douleurs de ventre ou les migraines à calmer, tout cela en restant attentives en classe. »

Rens: shecanhecan.org

(photo : Kit Premières Règles distribué dans les établissements scolaires par l’association SheCan HeCan © DR)