Orlan exprime sa colère

Orlan exprime sa colère

Et c’est au travers de sa série Les femmes qui pleurent sont en colère qu’elle a choisi de le faire. À découvrir à la Galerie Eva Vautier, à Nice, jusqu’au 15 janvier 2022.

Orlan est toujours en colère. Et pour cause. Encore au XXIe siècle, le statut de la femme fait toujours et encore débat. L’artiste engagée dénonce les pressions culturelles, traditionnelles, politiques et religieuses, l’absence de reconnaissance du travail des femmes au même titre que leurs homologues masculins et leur prédominance dans toutes les sphères de la société. « Mes créations, toutes politiques et féministes se fondent sur une recherche visuelle de visages d’horreur, de peur et de grandeur« , explique-t-elle.

Depuis les années 70, Orlan aime interpeler le public en érotisant son corps lors de performances médiatisées. Inscrite dans le mouvement de l’Art corporel, l’artiste manipule, transforme, maltraite son corps pour dénoncer la place assignée aux femmes par les hommes dans nos sociétés. En 1977, elle est renvoyée de l’école où elle enseignait suite à sa performance Le Baiser de l’artiste. Dans les années 80, elle provoque avec son tableau L’origine de la guerre, pendant masculin de L’origine du monde de Courbet, qu’elle met en valeur à travers un homme-tronc en peignant en premier plan un sexe en érection, symbole de la violence universelle. Plus tard, elle fera scandale en filmant ses opérations chirurgicales, dont la mise en place d’implants sur les tempes, pour mieux se transformer elle-même en œuvre d’art. L’Art charnel venait de naître. Depuis les années 90, elle crée des Self-Hybridations en mélangeant sur ordinateur des parties de son corps avec d’autres, qu’elles soient réelles ou imaginaires.

Actuellement à la galerie Eva Vautier, la série hybridée Les femmes qui pleurent sont en colère dénonce l’absence de reconnaissance de ces muses, modèles et inspiratrices, restées dans l’ombre et qui ont contribué à la gloire des grands maîtres. Pour ce faire, Orlan a choisi l’artiste Dora Maar peinte par Picasso, connue comme sa muse et bien moins comme photographe et peintresse. Elle déforme le corps et l’esprit des toiles pour y dénoncer les violences physiques et psychiques subies par les femmes. « J’insère des fragments de mon visage, dont ma bouche qui hurle pour que la colère s’exprime à partir d’une série d’hybridations de peintures de Picasso représentant Dora Maar en pleurs. C’est une destruction-reconstruction et création féminine qui ‘’kaleidoscopie’’ le monde auquel elle se mêle. Mes figures féminines sont hybridées et désaliénées dans une forme picturale que je crée tels des collages brutaux extrêmement libres et déréglants. » Signalons qu’à l’étage de la galerie est présenté le déjanté Orlan Remix, un film commandé à l’artiste par SOS Racisme, où elle remixe une séquence du film Clair de femme de Costa-Gavras, réalisé à partir du livre de Romain Gary…

Jusqu’au 15 jan, Galerie Eva Vautier, Nice. Rens: eva-vautier.com

(photo : Orlan, Les femmes qui pleurent sont en colère n°1 © courtsesy de l’artiste et de la Galerie Ceysson & Bénétière)