Sismographes du monde contemporain

Sismographes du monde contemporain

Avec Tremblements, le Nouveau Musée National de Monaco présente, jusqu’au 15 mai prochain à la Villa Paloma, un ensemble d’acquisitions récentes réalisées lors de la dernière décennie.

Le poète Édouard Glissant a fait un constat : celui d’un monde qui « tremble« , sismique, inexorablement en mouvement et ponctué de bouleversements. C’est l’idée développée par l’exposition Tremblements au Nouveau Musée National de Monaco (NMNM), qui étudie de manière transversale cette pensée du tremblement. Attention, ne pas la confondre avec la peur, l’inquiétude ou l’incertitude ; au contraire, il s’agit de l’aborder comme un instinct qui envisage un monde muable. Nous ne pouvons aspirer à une linéarité parfaite, à un ordre incontestable au sein de nos sociétés tremblantes, et Édouard Glissant évoque plutôt la pensée du tremblement comme la recherche du point utopique de rencontre entre toutes les cultures, tous les imaginaires, toutes les opinions ; ce qu’il a conceptualisé sous l’appellation Tout-Monde.

Cette exposition rend donc compte des acquisitions récentes du NMNM réalisées sous la supervision de son ex-directrice Marie-Claude Beaud entre 2009 et 2021 – à laquelle a succédé l’historien de l’art Björn Dahlström en avril 2021. Quant à la collection permanente, elle peut s’envisager comme le point fixe utopique, au milieu des nouvelles œuvres « tremblantes »… Les costumes et décors traditionnels du Monaco d’antan côtoient ainsi la modernité des nouvelles œuvres transdisciplinaires et inclusives. Parfois même, elles fusionnent : l’artiste plasticienne Latifa Echakhch réactualise les anciens automates et jouets mécaniques. L’exposition renoue avec la tradition d’engagement intrinsèque aux artistes : créateurs et traducteurs des lignes de tensions et enjeux de notre actualité. Parmi eux, on retrouve Helen Johnson, Clément Cogitore, Steve McQueen, Yinka Shonibare CBE (RA) et bien d’autres, de tous horizons et nationalités, pour un total de 17 artistes.

Chacun permet d’élargir la perception de nos sociétés, grâce à la secousse du tremblement : les « artistes-sismographes » évoquent notre regard sur la pensée, les fondements identitaires des cultures populaires, la visibilité des minorités… Comme Sylvie Blocher dans Speeches, qui exprime la tension entre art et politique, par une archive vidéo de discours et manifestes utopiques réinterprétés par différents artistes, ou Arthur Jafa dans The White Album, qui dénonce le racisme ambiant aux États-Unis… Il ne s’agit plus de montrer le passé dans une perspective contemporaine, mais de présenter la contemporanéité dans le contexte muséal.

Jusqu’au 15 mai 2022, Nouveau Musée National de Monaco – Villa Paloma. Rens: nmnm.mc

(photo Une : Vue d’exposition à la Villa Paloma – Arthur Jafa, The White Album, 2019 Collection NMNM, n° 2021.5.1 et Apostolos Georgiou, Sans titre, 2014, Collection NMNM, n° 2018.5.1, Acquisition réalisée avec le soutien d’UBS (Monaco) S.A – Photo NMNM/Andrea Rossetti, 2021)