Naïs, princesse de la Roya

Naïs, princesse de la Roya

Il était une fois un père, tellement bouleversé par la naissance de sa fille, qu’il décide de lui faire partager sa passion de la nature et de sa contrée natale, la Roya, dans le Mercantour, Parc national le plus sauvage de France. Nais au pays des loups, prix du meilleur documentaire en Inde dans un festival sur l’enfance, et sélectionné dans deux festivals américains sur la nature, a été diffusé sur France 3, le 16 décembre 2021. Il est visible en replay jusqu’au 14 février 2022.

Naïs a un an lorsque son père l’emmène à la découverte du monde. Une quête filmée qui sera d’abord celle des loups, et qui finalement évoluera grâce, à cause de, et par Naïs elle-même. De ses 1 an à son entrée en maternelle, elle va tout apprendre de la nature et de ses habitants. Lui aussi. « Au début je pensais faire un film, au final j’ai vécu l’aventure« , résume Remy Masseglia, autodidacte de l’image, déjà multiprimé, avec qui nous avons échangé. Sa femme Gwen, musicienne, a participé au projet et signe la BO du film.

On imagine que ce film a grandi en même temps que le ventre de ta femme durant la grossesse…

Pas tout à fait, il a grandi avec l’envie de poursuivre le moment extraordinaire de la naissance de Naïs. Je l’ai embarquée avec moi, dans l’idée de faire un film sur le loup. En cours de projet, je me suis rendu compte que ce qu’elle ressentait était bien plus intéressant qu’un énième film sur le loup. Il y avait des interactions entre elle et les animaux. Même en arrivant sur la pointe des pieds, on laissait nos odeurs. On aurait pu raconter des histoires, mais ce qu’on vivait, dépassait tout ce que je pouvais imaginer scénariser.

Comment s’est déroulée votre aventure ?

On a évolué ensemble. Tu percutes des trucs que tu n’avais même pas pensé à regarder. On a tendance à vouloir être un collectionneur des sommets. Mais voir une fourmi, c’est aussi impressionnant pour Naïs que voir un loup. J’ai donc rabaissé ma caméra à sa hauteur et à son rythme. Nos balades parfois faisaient 500m. J’ai compris que c’est elle qui allait me donner les clés de ce que j’allais filmer, ça a complètement changé ma façon de consommer la nature.

Vous avez dormi dès le départ en montagne ?

En fait, il y a toute une première partie où elle était trop petite, on a commencé le tournage en septembre 2018, et elle a fait sa première nuit en montagne en mai 2019. On a attendu le printemps pour réellement se dire : on va dormir en montagne. Mais là aussi c’était un passage intéressant parce qu’on était quasi tout le temps sur le terrain en ces premiers automne et hiver. Ce fut une évolution, on a mis deux saisons pour comprendre où allaient passer les loups et à partir de là, mettre notre tente ici, sinon il y avait peu d’intérêt, si ce n’est dormir dehors. Tandis que là, dans notre conception de l’aventure, c’était important de faire d’abord une belle étude ensemble, d’essayer de trouver les endroits où ils passaient, parfois de tous petits détails de leur quotidien… Et quand on a pris le virus de dormir dehors, on n’a pas arrêté !

Y avait-il un danger pour vous ?

Il n’y a aucun danger réel, les loups t’évitent, ils te sentent et ils t’entendent à plusieurs dizaines de mètres. Dans le pire des cas, ils vont être intrigués et te regarder de loin. Mais sans aucune intention de te dévorer. Je n’ai jamais eu la moindre peur de laisser ma fille à plusieurs mètres de moi dans un endroit où je savais que les loups étaient là. Après, les peurs appartiennent à chacun. C’est Naïs qui m’a appris la différence entre l’appréhension et la peur. Très vite de nuit on se baladait avec les frontales et on savait que les loups se baladaient de nuit et qu’ils étaient là. Dans le film, on le voit très bien, je dis à Naïs : « tu n’as pas peur de te balader là où il y a les loups ? » Et elle me répond : « Non ». Je lui dis alors : « Mais il mange des enfants dans le livre ! ». Elle me répond à nouveau : « Non, dans la chanson ! » Dans le film, on a assez bien réussi à montrer ça, ce sont des mois de travail de post-production et des dizaines de personnes toutes plus intéressantes les unes que les autres, pour transformer notre collection d’images en film.

Un apprentissage et une éducation extraordinaire…

C’est 2 ans où nous étions parfois en montagne 7j/7… À 1 an, elle identifiait des traces d’animaux, certains chants d’oiseaux, elle connaît des espèces animales que la plupart des adultes d’ici ne connaissent pas. J’ai essayé de lui donner des clés pour que dans sa vie future elle soit armée, avec des envies. Je pense que Naïs ne s’ennuiera jamais, du moment qu’elle se retrouve en pleine nature. On a passé tellement de temps à observer… Elle en fera ce qu’elle en veut.

Tu as toujours vécu dans la Roya ?

Toujours. Comme ma sœur Nathalie, toute ma famille, on a du mal à se détacher d’ici complètement. La Roya, c’est juste le paradis en termes de biodiversité, un endroit unique en Europe, la porte d’entrée des loups en France.

Comment avez-vous vécu tout ce qui s’est passé dans La Roya et le Mercantour l’an dernier lors de la tempête Alex ?

Notre toute petite famille a eu de la chance. N’étant pas sur le bord de la rivière, on n’a pas été impacté directement. Ce qui n’est pas le cas des zones de tournage où nous étions pendant deux ans et demi. Pour aller à Casterino, par exemple, c’est l’aventure maintenant. On avait commencé un peu notre décroissance pendant le film, et ne pas avoir d’eau et d’électricité ne nous a pas dérangé dans un 1er temps. C’est après que ça devient dur, quand tu retournes dans les paysages où tu as grandi… J’ai eu 2/3 semaines de complète sidération, vautré sur le canapé, complètement vide, j’étais comme en état de choc. Au bout de quelques semaines, j’ai compris que j’avais pris une grosse baffe.

Puis j’avais un gros projet de suivi de la loutre, une population qu’on avait découverte 6 mois auparavant dans la Roya. Pendant 6 mois, j’ai passé mon temps sur le bord de la rivière, je connaissais le lit comme ma poche, et d’un coup, tout ça… Après, ce n’est rien par rapport à ceux qui ont perdu des proches. Mais tout ce que j’ai fait, tout ce que j’ai vu, ça n’existera plus… Ça va prendre plusieurs générations avant de redevenir paisible. Et en même temps, on s’est vite rendu compte, car on avait toujours notre dispositif de 20 caméras positionné sur le territoire du loup, que les mammifères, eux, dès le lendemain, avaient repris leur vie tout à fait normalement !

Ton film est aussi mis au service de scientifiques ?

On travaille en partenariat avec le Parc national du Mercantour sur un échange scientifique. Nous étions porteurs d’informations naturalistes sur des espèces autres que les loups. Les caméras qu’on a disposées sur le territoire des loups pour connaitre leurs déplacements, et qui se déclenchent au mouvement, tournent depuis 3 ans et demi. Depuis, on est mordu de compréhension quant au déplacement d’animaux. Et durant le tournage, en juin 2019, On a découvert une nouvelle espèce de mammifères disparue il y a des centaines d’années, une population qui n’a en fait jamais disparu de la Roya : le putois d’Europe, qui ressemble au furet et vit habituellement dans des milieux marécageux. On a trouvé une population qui n’avait en fait jamais disparu de la Roya, preuve que cet endroit est tellement sauvage qu’il peut y avoir des animaux que personne n’imaginait trouver. C’est en partie grâce à Naïs que j’ai fait cette découverte, maintenant on a une caution naturaliste et scientifique.

Ce film, c’est aussi une équipe…

On est plusieurs à l’origine du projet : il y a Naïs, Gwenn Masseglia, sa maman, qui a fait la musique du film et qui m’a pas mal accompagné sur l’aventure, même si on ne la voit pas beaucoup à l’écran. Il y a deux amis photographes animaliers, Thierry Barin et Florent Adamo, qui se sont greffés à l’aventure et ont assuré le côté naturaliste. Au début, je ne devais pas du tout m’occuper de cette partie, et au final, je me suis pris au jeu plus que de raison et le tournage est devenu réalité…

C’était vraiment très riche en rencontres ! La première nuit en montagne de Naïs, par exemple, s’est déroulée en compagnie de Vincent Munier, l’un des plus grands photographes animaliers au monde. Il a accompagné Sylvain Tesson au Tibet pour faire son livre La panthère des neiges, et quelques mois avant, il accompagnait Naïs en bivouac pour une virée dans le Mercantour ! On a très vite côtoyé des gens qui font partie de l’élite poétique de la photographie animalière. Avec lui, c’est un peu le hasard des rencontres, il y a très peu de gens finalement qui travaillent sur le loup bizarrement, parce que ça fait peur. Peu d’administration mettent des budgets pour travailler dessus, aussi tu deviens bien vite une référence. Depuis, on s’est retrouvé assez à bosser sur d’autres projets documentaires : on a tourné un film Au retour des loups, avec 4 spécialistes, pour parler de notre expérience vis à vis de l’animal. Naïs et moi, on était au milieu de ces experts… Finalement, par cette petite expérience, petit à petit, tu commences à te faire un nom dans ce milieu-là, du fait qu’on puisse montrer qu’on va au bout des choses.

Et aujourd’hui ?

Le tournage s’est arrêté, mais l’aventure continue. On est quasiment sur la même chose sans avoir la pression de devoir le filmer. C’est plutôt agréable de commencer en faisant un film, puis de se poser complètement et de profiter simplement de l’instant. Ce n’est pas évident en fait : tu te dis c’est tellement génial ce que je vis, si je n’arrive pas à le filmer… Ça m’a rajouté un filtre émotionnel. Après, je suis arrivé à découper les parties : je filmais pendant une heure et je rangeais la caméra, peu importe ce qui allait se passer en fait. On a réussi, elle et moi, à trouver un équilibre : elle savait qu’il y avait des périodes où il fallait que je sois concentré pour faire les images que j’avais envie de faire, elle acceptait ça, elle faisait sa vie de son côté. L’avantage, c’est qu’elle a toujours connu la camera, donc elle n’a jamais joué de jeu malsain parce qu’elle était filmée, c’était intégré.

NAÏS AU PAYS DES LOUPS
Un film de Rémy Masséglia
Produit par Jean Luc Millan
Raconté par Pascal Vasselin avec Mathias Malzieu
Sur une musique de Gwenn Masséglia
Chef monteur : Sébastien Bonnefon
Scénariste : Marc Wels
Images : Rémy Masséglia, Florent Adamo, Thierry Barra, Mathieu Echeverri et Marie Amiguet
Rédacteur en chef : François Guillaume
Avec la participation de france.tv
En partenariat avec le CNC, la Fondation Prince Albert II de Monaco, le Parc national du Mercantour, La Région Nouvelle Aquitaine, La Ville de Breil-sur-Roya, piegephotographique.fr, Sud Nature Equipement, CAMP – CASSIN et Petit Bivouac

Visible en replay jusqu’au 14 fév 2022
Diffusion (version française et internationale) à bord des avions d’Air France à partir du 1er décembre (pendant un an)
Projection organisée par la Fondation Prince Albert II, en présence de SAS Prince Albert II et de l’équipe du film, en préparation à Monaco
Film inscrit dans 25 festivals en France et dans le monde en 2022
Sortie version cinéma au printemps 2023, adaptation et nouveau montage de Mathias Malzieu (Dionysos), accompagnée d’un livre aux Editions La Salamandre
En projet : un téléfilm (toujours en lien avec la nature), en collaboration avec Grand Angle Productions