Le rédempteur est de retour

Le rédempteur est de retour

Le théâtre de l’Eau Vive, à Nice, accueille du 24 au 26 février le nouveau spectacle d’Erwan Quesnel (Cie Gorko Waï) : Le rédempteur. Rencontre avec cet auteur et comédien singulier à plus d’un titre.

Un cinquième de la population française est touché par un trouble psychique : Bipolarité, schizophrénie, dépression, anxiété, comportement alimentaire, troubles addictifs… Dans nos sociétés normées où chacun.e doit être à sa place afin d’être accepté.e et de ne pas déranger la majorité, les personnes souffrant de troubles psychiques ou physiques se retrouvent en décalage et sont rapidement identifiées puis cataloguées « hors normes » ou « non conformes à la majorité ». D’une manière générale, les maladies sont considérées comme dégradantes pour l’image de soi, car elles pointent une défaillance et une faiblesse, dans nos sociétés où être « fort » est la norme.

Même s’il y a une conscience générale que la personne pâtissant de troubles psychiques n’est pas responsable de ses propres maux, il en résulte une sorte de peur collective et une attitude de rejet et/ou de culpabilisation suivant le type de maladies. L’être humain a besoin de suivre les règles du vivre ensemble et d’appartenir à un groupe social. Les personnes souffrant de maladies mentales ou physiques viennent alors bousculer cet équilibre sociétal.

Erwan Quesnel aborde cette difficile thématique de façon magistrale en incarnant un artiste parano, mégalo, enfermé dans un hôpital psychiatrique. Son charisme et la force qu’il dégage sur scène ne peuvent qu’impressionner le public d’autant plus que la pièce est entièrement écrite en alexandrins donnant ainsi une dimension surréaliste à un sujet aussi délicat. Un véritable tour de force pour aborder ce sujet dérangeant. Les quatre autres comédien.nes sont tout aussi décapant.es et drôles. Erwan Quesnel et sa troupe déconstruisent les préjugés liés à la maladie mentale avec humour et dérision, mais avant tout interrogent sur la question de la normalité dans nos sociétés.

Pourquoi avez-vous choisi le thème de la maladie mentale ?

Tout simplement parce que je suis touché par la maladie mentale. Je suis schizo affectif, ce qui correspond à de la bipolarité accompagnée de phases maniaques et délirantes, c’est-à-dire un état proche de la schizophrénie. J’ai donc effectué de nombreux séjours à l’hôpital psychiatrique ce qui m’a bien évidemment inspiré pour ma pièce qui se déroule à l’hôpital psychiatrique.

Qui est le rédempteur ?

C’est un peu moi parce que je me suis déjà pris pour Jésus lors de mes séjours à l’hôpital. Mais c’est un Moi qui serait en capacité d’exprimer à haute voix ses envies profondes : c’est-à-dire un artiste voulant faire de ses spectacles un moyen de sélectionner les justes et les injustes et pouvant à la fois draguer impudiquement la jolie infirmière. Bref le rédempteur se veut être un artiste sauveur de l’humanité, mais il reste soumis à sa condition de patient gavé de traitements.

Pourquoi avez-vous écrit cette pièce en alexandrins ?

C’est une contrainte qui me plaît et qui je le crois donne du style à mon écriture. L’important est d’écrire des vers qui sonnent comme du parler naturel. Bref c’est une recherche artistique qui amène à des trouvailles que je crois intéressantes.

Quelle formation avez-vous suivie ?

J’ai principalement fait les cours Florent durant deux ans et demi à Paris de 2010 à 2013. J’ai aussi un long parcours de cours de théâtre amateur à Nice, Caen et Cherbourg.

Est-ce votre première pièce de théâtre ?

Ce n’est pas ma première pièce. J’ai auparavant déjà écrit un seul en scène musical sur la maladie mentale, vue cette fois-ci d’un point de vue strictement autobiographique. Cela s’appelle La complainte du Bipo et j’y raconte mes bouffées délirantes. J’ai joué ce spectacle 36 fois sur Nice, Monaco et Paris, et je le rejouerai le 22 avril à la Zonmé.

Qui sont les autres comédien.nes qui vous entourent ?

Nous formons une bande d’amis réunis par le théâtre. L’infirmière est jouée par Émilie Blazi qui est à la fois comédienne, chanteuse et danseuse et qui a été formée pendant 5 ans par Philippe Martin (Le cadran magique). Le psychiatre est joué par Konstantin Manojlovic formé 3 ans chez Brigitte Rico. Les deux aides-soignants sont joués par Mathieu Epstein et Gérôme Halter. Mathieu fait du one man show et Gérôme est clown et magicien.  Pénélope (Catherine Raveau) s’est occupée de la mise en scène (formation au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, Master class avec Noëlle Perna et Brigitte Rico).

24 au 26 fév, Théâtre de l’Eau vive, Nice. Rens: theatredeleauvive.com