Sous le bitume, la vie

Sous le bitume, la vie

Prenant pour point de départ la cartographie de la Méditerranée, c’est un projet à long terme qu’a imaginé la chorégraphe, danseuse et plasticienne Magali Revest ; une aventure qui se démultiplie et prend de multiples directions, qui la conduit de la création d’un objet artistique pur Rebirth ou encore Double Je#, à sa participation au programme social Retracer La Riana.

Une cartographie concrète pour inventer un autre futur

Depuis plusieurs mois, Magali Revest arpente les rues du quartier de l’Ariane, à Nice. Elle est parfois accompagnée du photographe Frédéric Pasquini avec lequel elle forme le collectif Zootrope. Ils ont rejoint Charlotte Nemoz afin d’explorer la cartographie de ce territoire dans dans l’idée de lui apporter un regard autre et de s’autoriser à penser un autre futur. La Riana est un ancien cours d’eau qui irriguait autrefois le quartier, avant que le bitume ne vienne massivement recouvrir ce bassin autrefois agricole. Magali Revest a souhaité Retracer La Riana à travers un recentrage sur le corps organique et en s’interrogeant de façon symbolique sur tout ce qui pousse entre et sur le bitume. « Les habitants sont confrontés à des espaces coupés et cadenassés. Comment le corps peut-il trouver le moyen de s’y exprimer ? »  De même, des populations d’origines multiples offrent un riche et large spectre de cultures, de pensées et de langues qui vont trouver, à travers le mouvement, un langage commun : celui du corps. « La posture corporelle permet de vivre autrement notre rapport au monde et à notre environnement. »

Les enfants, terreau fertile de beauté humaine

La chorégraphe a beaucoup travaillé avec les enfants. « Ils sont très vivants. C’est un magnifique terreau de beauté humaine qu’il faut valoriser. » Elle les a amenés de façon ludique à découvrir « leur cartographie intérieure« , en leur faisant prendre conscience de ce qu’ils ressentent en posant leurs pieds dans le sol, de la manière qu’ils ont de grandir, des émotions qui traversent leur bassin, leur plexus solaire… À la façon de La Riana, « leurs veines sont un peu des rivières qui viennent irriguer leur corps « . Magali Revest, qui est aussi plasticienne, a élargi son approche avec les enfants, dans la perspective de leur offrir une vision différente du quartier dans lequel ils vivent. Elle les a emmenés au parc où ils ont observé la faune et la flore, devenues pour eux source d’inspiration pour peindre et dessiner ; ils ont semé des graines pour découvrir comment elles poussent, et grandissent, tout comme eux-mêmes grandissent. Le travail qu’elle mène avec les enfants est très complet puisqu’il mêle observation, prise de conscience, imaginaire. Il s’agit pour eux de comprendre comment bouge leur corps et de quelle façon il se met en mouvement. Par le dessin, ils vont ensuite inscrire ce qu’ils ont vécu de manière organique. Ces ateliers transversaux permettent de mettre la danse en lien avec l’environnement.

Se laisser surprendre pour reconstituer un corps social

Le 18 mars dernier, une succession d’évènements a décliné l’ensemble des actions expérimentées. Sur le Cours Albert Camus, les enfants ont été invités à présenter les parcours réalisés. Le théâtre de l’Ariane a accueilli une exposition qui retrace le travail cartographique comportant des éléments historiques, mais également des dessins des enfants. Une œuvre poétique de Frédéric Pasquini a également été projetée, qui révèle l’ensemble du projet vu par l’œil du photographe-vidéaste à travers sa propre perception de quartier, au fil de ses rencontres et découvertes.

Magali Revest témoigne de cette aventure durant laquelle « le photographe s’est laissé surprendre, se laissant transporter par une autre temporalité. Retracer La Riana est un projet qui donne des pistes. » On constate que bien souvent les personnes s’enferment dans une communauté plutôt que d’aller à la rencontre d’autres cultures. Un choix qui peut entraîner l’apparition de conflits. Or, de tout temps la danse a rempli une fonction sociale et permis de communiquer, de tisser des liens amicaux à la faveur d’interactions sociales multiples. « La danse peut contribuer à retrouver notre citoyenneté. La danse est une communion, un rituel. Elle permet d’être en communion les uns avec les autres pour reconstituer un corps social.« 

Rens: zootrope.org

photo : projet Retracer La Riana © Frédéric Pasquini