Photographie humaniste

Photographie humaniste

Au travers des photographies d’Anita Khemka, le Musée départemental des Arts Asiatiques à Nice s’intéresse au phénomène du 3e genre en Inde. Une exposition visible jusqu’au 30 mai 2022.

Dans nos sociétés structurées autour de dualités, de comparaisons, de divisions, il est parfois salvateur de désamorcer ces constructions arbitraires, archaïques. Le travail de la photographe Anita Khemka s’appuie essentiellement sur une approche documentaire de la société indienne et vise en particulier les communautés socialement marginalisées. C’est en 2003 qu’elle rencontrera Laxmi et explorera la thématique de la minorité de genre, en s’immergeant dans la communauté Hijra.

Laxmi ne se sentait ni homme ni femme, rejeté par la société indienne, il cherche identification et soutien chez le « troisième genre ». Les Hijras représentent le troisième sexe en Inde, au-delà du féminin et du masculin, et ce bien avant l’existence de la notion transgenre occidentale. L’identité Hijra est ancienne, ancrée dans la culture indienne et fortement hiérarchisée entre maîtres et disciples. Les Hijras sont des femmes nées garçons ou intersexes, s’habillent en femmes et sont parfois émasculés. Elles vivent en marge de la société, suscitent crainte et fascination mêlées, malgré la reconnaissance du troisième genre par la Cour suprême indienne. La plupart sont condamnées à la mendicité et à la prostitution…

C’est pourquoi Anita Khemka leur rend justice, dans une série de photographies exposées au Musée des arts asiatiques de Nice. Le spectateur est avisé de laisser ses préjugés à l’entrée, et d’ouvrir son regard sur une communauté inconnue et dénigrée, à tort. La vie des Hijras est jalonnée de rites et de cérémonies, elles sont sollicitées pour assister aux mariages et aux naissances, porteuses d’une bénédiction et de bon présage. Le travail d’Anita Khemka parvient à saisir la détresse et la révolte de cette frange marginalisée de la société, désespérée de reconnaissance et de mise en lumière. La dualité des genres est déconstruite au cours de l’exposition, qui traduit les débats houleux d’appartenance et d’identification. Certains d’entre nous y sont encore par trop indifférents, et Anita Khemka aspire à sensibiliser au maximum un public international, grâce au parcours de Laxmi et de tous les marginaux en général. L’abolition des genres, grâce à l’art !

Jusqu’au 30 mai, Musée des Arts Asiatiques, Nice. Rens: maa.departement06.fr

photo : © Anita Khemka