14 Avr De la liberté pour nos ado-rables !
Marie-Jeanne Trouchaud vient de sortir l’ouvrage Apprenez-leur la liberté ! Initiation au détachement sécure pour accompagner l’adolescent aux éditions First. Elle sera présente au Salon du livre de Monaco, les 17 et 18 avril 2022, au Grimaldi Forum. Entretien.
Marie-Jeanne Trouchaud est une femme dotée d’un remarquable bon sens et qui dispense de précieux conseils. Il faut dire qu’après avoir consacré une douzaine d’années au service de SOS Amitié (*) à recevoir et à répondre aux appels de personnes en détresse, elle est devenue une véritable « militante de l’humain » comme elle aime à se qualifier. Thérapeute et formatrice, Marie-Jeanne estime que la clef de la communication réside dans l’écoute, l’altruisme et la bienveillance. En compagnie du philosophe Frédéric Lenoir et de Martine Roussel-Adam, elle est l’une des co-fondatrices de l’association SEVE (Savoir Être et Vivre Ensemble) où des animatrices et animateurs interviennent dans des écoles pour échanger sur des sujets à visée philosophique, l’objectif étant que ces enfants réfléchissent et pensent par eux-mêmes afin de devenir des citoyen.nes libres.
Dans cet état d’esprit, Marie-Jeanne Trouchaud propose dans son dernier ouvrage – Apprenez-leur la liberté ! – des clefs de compréhension pour décortiquer le comportement de nos ados tout en nous’interrogeant sur notre propre éducation et notre manière de communiquer. Un livre à mettre dans toutes les mains, celles des ados, de leurs parents et leurs enseignant.es.
Marie-Jeanne Trouchaud, pourquoi cet ouvrage ? Nos ados vont-ils si mal ?
Non, nos ados, dans l’ensemble, ne vont pas mal du tout ! Mais je constate très souvent qu’il y a des difficultés de communication entre les adultes et les ados. Après un temps tout naturel où les parents décidaient tout pour eux, ils développent de nouvelles capacités dans tous les domaines et ils commencent à prendre des initiatives, à tester. C’est tout à fait indispensable et normal ! Ils ne peuvent pas obéir sans réfléchir ni avoir droit à la parole et, du jour au lendemain, devoir prendre des décisions qui marqueront leur vie entière. Ils ne sont pas encore tout à fait matures (les études neuroscientifiques le démontrent), mais ils acquièrent tout de même de plus en plus de maturité et revendiquent de plus en plus de liberté ! J’ai écrit cet ouvrage pour accompagner les adultes qui vivent ce moment. Les parents sont pleins de bienveillance en intention, mais sont parfois désorientés et démunis face à un comportement nouveau auquel ils n’étaient pas préparés. Plus il y a d’amour, plus il peut y avoir de peurs et de projections-catastrophes alors que la réalité n’est pas si terrible ! Souvenons-nous, pour nous, et observons : les multiples erreurs – petites ou grosses « bêtises » – qui ont jalonné nos vies d’adolescents ne nous ont pas empêchés de devenir des adultes sérieux et bien placés dans la vie, n’est-ce pas ?
Pourquoi bien des ados s’enferment-ils dans leur chambre, dans leur monde ?
Envisageons la journée d’un ado… Elle est faite de beaucoup d’obligations, d’ordres, de contraintes, parfois de reproches… Quand il rentre du collège ou du lycée, il a, avant tout, besoin de calme, besoin d’un moment de relâche. Si l’ambiance à la maison est tendue, si on l’accueille avec des questions, de la nervosité, éventuellement des reproches ou de nouveaux ordres, on peut comprendre qu’il n’a qu’une hâte : s’enfermer dans sa chambre, communiquer avec ses copains qui, eux, le comprennent et ne lui feront aucune critique.
Comment communiquer sans s’énerver avec un ado qui présente des conduites à risque ou développe des pensées à caractère dépressif ?
Si l’ado a un gros souci, ce qui se manifeste par un changement brusque de comportement, il convient de lui signifier qu’on est là, s’il le veut. Au nom de notre angoisse, évitons d’essayer de lui faire dire ce qu’il n’a pas envie de nous dire… Au contraire, s’il nous parle (et il nous parlera probablement s’il se sent respecté), sachons l’écouter vraiment, sans dévaloriser sa pensée ou minimiser ses sentiments. Sachons nous intéresser « vraiment » à ce qu’il nous dit… J’ai fait un sondage auprès de 150 ados, en leur demandant ce dont ils avaient besoin de la part de leurs parents : beaucoup d’entre eux souhaitent que leurs parents aient de vrais moments de disponibilité pour eux (ils réclament que leurs parents sachent poser leur téléphone portable !!!), ils souhaitent que leurs parents les écoutent et les comprennent. Quand ils étaient petits, nous allions tous les soirs leur raconter une histoire dans leur chambre… Pourquoi ne pas leur dédier encore chaque jour un moment seul à seul, un moment de joie, de réflexion, de tendresse, d’échange ? Surtout pas un moment pour régler des comptes ou faire passer des messages…
Avant d’aider l’ado, faut-il aider les parents?
Oui, bien sûr ! On parle souvent d’instinct maternel… Je crois qu’il faut préciser les choses, cet instinct est l’instinct animal : nourrir et protéger… Mais l’éducation est une tout autre affaire… Pleins de bonne volonté et d’amour, nous nous y prenons comme nous pouvons, à partir de ce que nous avons vécu, à partir de nos croyances, à partir des conseils donnés par la famille ou par des amis, sans doute bien intentionnés, mais parfois bien maladroits. Je propose que les parents s’appuient sur des études sérieuses, tenant compte des observations des spécialistes et des récentes découvertes des neurosciences. Il convient aussi de se poser des questions pertinentes sur ce qui est essentiel dans la vie, sur nos souhaits à long terme, sur les exemples que nous transmettons, sur la cohérence de nos messages…
Pourquoi dites-vous que les parents doivent se comporter « en adultes »?
Être adulte, dans cette situation, ce n’est pas une question d’âge, mais bien de comportement. Être adulte, c’est être calme, solide, réfléchi. Ce n’est pas s’énerver, s’emporter ou se disputer avec son enfant.
Comment accompagner nos enfants dans un « détachement secure » ?
Apprendre à un adolescent la liberté, quel meilleur projet ? Quelle mission plus enthousiasmante ? Pour que tout se passe bien, il s’agit d’accompagner progressivement l’adolescent vers la liberté réfléchie (le contraire de la liberté réactive ou impulsive). Pour cela, loin d’interdire ou de permettre selon notre bon vouloir, nos opinions, ou notre état du moment, je propose, le plus souvent possible, de réfléchir avec l’ado (je ne dis pas de négocier, mais bien de réfléchir). Quelles que soient ses idées ou ses propositions, il est toujours important de rester ouvert à la possibilité de se laisser surprendre. Il a peut-être des idées que nous n’aurions pas envisagées, mais qui peuvent être pertinentes ? Aidons-le à faire le tour du problème. Quels sont les avantages ou les inconvénients de telle ou telle option ? Quels sont ses points de force ? Quelles difficultés devra-t-il affronter ? Comment peut-il s’y prendre ? Ainsi, nous lui aurons donné une méthodologie de prise de décision qui lui sera bien utile tout au long de sa vie. Il fera donc des expériences, avec plus ou moins de réussite… c’est de cette manière aussi qu’il apprendra de ses erreurs éventuelles. Mais il doit absolument pouvoir compter sur nous et nous devons toujours mériter sa confiance… Il doit savoir que nous serons toujours comme un port d’attache pour lui, un lieu de repos, de ressourcement, un lieu pour comprendre, reprendre des forces et repartir à l’aventure de la Vie !
Quels conseils pour les parents ?
1 – Solidité, calme, disponibilité et tendresse.
2 – Pas de critique, d’humiliation ou de reproches blessants. Les traiter comme nous souhaiterions être traités par un supérieur hiérarchique.
3 – Prendre suffisamment soin de soi pour montrer que la vie est belle ! Témoigner d’une joie de vivre !
Car nos enfants apprennent bien plus par ce qu’ils observent que par les injonctions qu’on peut leur donner !
Apprenez-leur la liberté ! Initiation au détachement sécure pour accompagner l’adolescent de Marie-Jeanne Trouchaud (éditions First). Rens: marie-jeanne-trouchaud.com
(*) SOS Amitié est un centre d’appels dédié à la prévention du suicide, mais aussi pour aider les personnes victimes de tous types de difficultés existentielles.