La rage d’aimer

La rage d’aimer

Suspens, intrigues. Ces éléments n’ont jamais fait défaut dans les ballets narratifs, y compris dans les plus romantiques où la trahison et l’amour contrarié reviennent régulièrement. Avec Œil pour Œil, Jean-Christophe Maillot va bien au-delà de ce que nous connaissons en plongeant ses personnages dans un monde enivrant de noirceur.

L’univers sombre imaginé par Jérôme Kaplan pourrait nous faire penser au célèbre Gotham City où Batman et le Joker se livrent une lutte sans merci. Une ambiance cinématographique que ne renierait pas le chorégraphe-directeur des Ballets de Monte-Carlo, féru de cinéma.

Dans les bas-fonds de cette ville inquiétante où les sentiments sont exacerbés, on y croise Iris, Adam et Loup, un trio dont on pourrait croire l’amitié inébranlable. Mais c’est sans compter sur l’amour qui finalement laissera Loup sur le bord de la route. La rage le pousse dans les bras de la Pieuvre qui contrôle la ville bardée de caméras. La vengeance peut commencer. Œil pour Œil se base sur une nouvelle policière spécialement écrite par Jean-Marie Laclavetine pour cette création dont la première fut donnée en avril 2001. Vingt ans plus tard, l’argument de ce ballet conserve toute sa pertinence, préfigurant le rôle majeur de l’image dans la société, en décrivant un univers où les écrans sont omniprésents et amplifient à l’infini le besoin de voir et d’être vu.

Un polar chorégraphique

Œil pour Œil est un véritable polar chorégraphique qui réunit tous les ingrédients nécessaires à maintenir le suspens aux côtés de personnages inquiétants tel que la Pieuvre, mafieuse érotomane, à la tête d’un bestiaire tout aussi effrayant, plongé dans un monde de corruption, de violence et de sexe. Loin des précédentes créations, ce livret entraîne le chorégraphe à repenser son langage pour exprimer de nouvelles sensations. Ici les looks dévergondés remplacent les tenues habituellement plus classiques des danseurs, mais la qualité du mouvement, vif et précis, demeure, tandis que le recours aux pointes permet de délier les mouvements dans toute leur amplitude. Les nouveaux danseurs de la compagnie vont ainsi s’approprier ce ballet en lui donnant une résonance inédite.

Cette pièce atypique relève également de la complicité entre des artistes de longue date qui unissent leur talent. Jean-Marie Laclavetine a connu Jean-Christophe Maillot alors qu’il était à Tours et a collaboré avec lui sur deux autres projets avant Œil pour œil : Lundi matin 11 heures et Bêtes noires. De même, Jérôme Kaplan est à l’origine des costumes de quelques-uns des plus célèbres ballets du chorégraphe monégasque dont Roméo et Juliette, Cendrillon ou Casse-Noisette Circus. Enfin, Dominique Drillot se cache derrière les lumières de la plupart des ballets de la Compagnie. Il collabore avec Maillot depuis 1987, mais développe également son savoir-faire auprès d’autres compa- gnies internationales.

Dès le 28 avril, c’est dans la version obscure du conte de fées que le public plongera.

28 avr au 1er mai 2022, Grimaldi Forum, Monaco. Rens: balletsdemontecarlo.com