Créolisation musicale revendiquée

Créolisation musicale revendiquée

On l’attendait depuis l’annonce de son nouveau directeur artistique en février dernier : la programmation 2022 des Nuits du Sud est arrivée ! Sous des dehors festifs, celle-ci se montre véritablement engagée…

Jusqu’au dévoilement de cette nouvelle programmation, on pouvait craindre que le concept des Nuits du Sud ne soit quelque peu dénaturé avec l’arrivée d’un directeur artistique comme Matthieu Ducos, big boss du festival Rock en Seine. Mais c’était oublier que Radio Nova a aussi des billes dans l’histoire ! Ensemble, ils sont parvenus à concilier tradition et modernité avec « une programmation où les influences du monde portent la création contemporaine« , indiquent-ils. Du changement donc, mais dans la continuité : avec des prix revus à la baisse et un retour en force des musiques du monde. Mais attention, quand nous évoquons ici les musiques du monde, il n’est pas question de style, mais bien de l’idée de sono mondiale, voire de créolisation de la musique, pour reprendre les termes du concept développé par le poète Édouard Glissant, « popularisé » ces dernières semaines par Jean-Luc Mélenchon et son équipe. Pour résumer : la créolisation, c’est en quelque sorte la rencontre des altérités qui produit de nouvelles situations. Donc en ce qui nous concerne, un grand métissage musical !

Dès lors, cette notion de sono mondiale est centrale dans une programmation qui « renoue » avec les artistes africains, après quelques années d’exploration appuyée du côté de l’Amérique du Sud. À l’image d’un Lass, navigateur aux variations électro, house, reggae et afropop, formé dans les sound-systems de Dakar, qui précèdera sur la place du Grand Jardin un duo électro inédit : Bob Sinclar, qu’on ne présente plus (auteur notamment d’un album reggae sympathique en compagnie du mythique duo Sly & Robbie), et Pedro Winter, alias Busy P, créateur de l’immense label Ed Banger (Justice, Sebastian, Break-bot…) et manager de feu les Daft Punk.

Une « créolisation musicale » que l’on retrouve encore – et c’est peu dire – dans le son de Delgrès, dont les influences musicales s’étendent des Caraïbes françaises, à la Louisiane, le tout voguant sous pavillon blues du Delta. Le trio, qui s’était fait remarquer après une nomination aux Victoires de la musique 2019, et un excellent 2e album, 4:00 AM, a la particularité de proposer une configuration trio rock classique, sans basse, mais avec un sousaphone… Et comment ne pas évoquer Gnawa Diffusion, où les rythmes berbères, kabyles et gnawis frayent aussi bien avec la musique jamaïcaine qu’avec le rock et le rap. Un joyeux bordel mené par Amazigh Kateb, dont les textes parfois graves, parfois festifs, sont chantés en français, en anglais et en arabe.

On pourrait aussi vous parler du groupe Groundation, chantre du reggae roots originaire de Californie, de Bonga, voix de combat et légende de la musique angolaise, d’Oumou Sangaré, diva aux réflexions spirituelles, poétiques et militantes – notamment en faveur de la cause féminine africaine – qui propose une fusion de musique folk, de rock et de rythmes traditionnels Wassoulou (région d’Afrique de l’Ouest), mais aussi de La Yegros qui mêle cumbia colombienne et musiques urbaines, ou bien d’Emir Kusturica & The No Smoking Orchestra, qui reviendront en terre vençoise proposer leur melting-pot aux profondes racines balkaniques, 11 ans après un mémorable concert sur la Place du Grand Jardin ! Autant d’artistes du monde qui côtoieront des valeurs sûres de la scène française comme Benjamin Biolay, Camelia Jordana, Lilly Wood & The Prick, General Elektriks

Matthieu Ducos et son équipe l’avaient annoncé : après « un quart de siècle d’histoire marqué par l’ouverture au monde, l’esprit de fête et de découverte », ils voulaient réaffirmer l’identité du festival « avec pour crédo le voyage d’un hémisphère à l’autre ! » Mission réussie.

8 au 23 juil 2022, Place du grand Jardin, Vence. Rens: nuitsdusud.com

photo : Delgrès © DR

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