29 Juin Bienvenue de la mèmesphère
« Quand on descend aux enfers, on a toujours besoin d’un guide. Nous voici donc en train de vous tendre la main gauche et de vous inviter à parcourir le mur sur lequel nous avons recueilli d’innombrables petits fragments de l’inconscient d’Internet : la preuve irréfutable de notre passage dans les mers insondables de la mèmesphère…«
C’est ainsi que Clusterduck – collectif italien interdisciplinaire d’artistes, activistes, théoriciens et web designers – présente l’installation murale, le Detective wall, qui constitue le pivot de l’exposition MEME MANIFESTO, sur une invitation de Vittorio Parisi. On pourrait le définir comme un mur parsemé de mèmes internet – vous savez, ces images drôles, tristes, dérangeantes ou simplement absurdes qui sont créées, remixées et partagées quotidiennement sur le web. Accompagné d’une installation vidéo interactive, le Detective wall se présente comme l’un de ces Crazy walls popularisés par les séries et films policiers – les murs parsemés de photographies ou d’articles de journaux épinglés ou collés, souvent reliés entre eux par des ficelles pour marquer les connexions – ou encore comme le Bilderatlas Mnemosyne conçu par Aby Warburg : outil que l’historien de l’art allemand avait créé dans les années 1920 pour retracer les thèmes et motifs visuels récurrents à travers l’Histoire, et dont Clusterduck s’inspire pour cartographier la mèmesphère.
Mais comment cartographier et exposer des objets qui, a priori, se présentent comme incartographiables et inexposables ? Ceux collectés par Clusterduck sont organisés et hiérarchisés selon des critères chronologiques et thématiques, formant dix regroupements, dans le but d’escorter les visiteurs au cœur d’un voyage dans l’inconscient collectif d’internet et de ses représentations : des formats les plus populaires et connus, à ceux, les plus occultes et ésotériques. Mais une question semble hanter ce besoin de remettre de l’ordre dans cet univers informe : comment les mèmes se sont-ils révélés détenir un pouvoir « hyperstitionnel » ? Néologisme inventé par le philosophe britannique Nick Land, le concept d’hyperstition définit les modalités selon lesquelles des fictions peuvent se transformer en vérités.
En analysant les points de contact et de distance entre les mêmes et l’art, MEME MANIFESTO propose donc d’enquêter sur l’agentivité des mèmes : leur capacité à être vecteurs d’activisme ou de propagande politique et de la sorte, produire des effets sur notre quotidien.
Jusqu’au 28 aou, Villa Arson, Nice. Rens : villa-arson.fr
photo : vue de l’exposition MEME MANIFESTO, Clusterduck, 2022, Villa Arson © JC Lett