Anthropologue de la peinture

Anthropologue de la peinture

À Cannes, le Suquet des Artistes accueille LIMBE [le Vroi dans la nuit], une exposition singulière de l’artiste Orsten Groom. Inspirée simultanément par la naissance de son enfant et sa passion pour la préhistoire, on y découvre des œuvres déroutantes aux traits marquants.

Couleurs, contrastes, traits continus et saccadés, visages d’hommes rupestres – ou tout juste nés ? L’artiste, né en 1982 en Guyane, nous embarque dans un voyage, une rupture à travers le l’espace-temps qui nous fait nous questionner sur notre propre temporalité. Simon Leibovitz-Grzeszczak, alias Orsten Groom, pense l’art comme un flot originel qui l’emporte vers un tout. À seulement 40 ans, il s’inspire de son parcours personnel pour créer des œuvres protéiformes. Tantôt plasticien tantôt dessinateur, il traverse simultanément les domaines de la peinture, de la musique et du cinéma. Sortant du cadre conventionnel de l’art contemporain, ses traits sont fougueux, sans retenue.

Dédiée à l’enfance, sous le prisme de l’art pariétal, une quarantaine de toiles ardentes, complexes tissent une caverne déroutante et singulière, imprégnée de la puissance originelle de la peinture. Dans une interview pour France Culture en 2017, Orsten Groom décrit la toile vierge comme «un espace jeu non idéologique, (…) voire non culturel». Là est finalement l’essence même de son œuvre : la création d’un lieu de rencontre entre l’humain et les flots de la peinture qui emportent et contiennent déjà tout. C’est un double processus selon l’artiste : la peinture l’instruit et s’instruit elle-même. C’est alors à lui de délimiter la Limbe, la limite à ne pas franchir pour incarner l’âme du peintre, l’âme du père qu’il est devenu. «Cette limbe qui donne son titre à cette exposition n’est pas un cercle des enfers, mais une marelle royale du flot d’origine de la peinture, et de la mienne. Instance charnière, chimère hybride qui me fait approcher l’aire de jeu de l’enfance depuis le fatras ancestral du souci humain à se rejouer aux abords de l’image», indique-t-il dans le catalogue de l’exposition.

En une quarantaine de toiles, la Mairie de Cannes offre l’occasion de découvrir un univers déconcertant. Mythologie, littérature et anthropologie se mêlent ici en un fatras (comme on dit en art pariétal) de toiles baroques, selon les propres mots de l’artiste, un monde à la fois moderne et profondément antique, sauvage…

1er juil au 11 déc, Suquet des Artistes, Cannes. Rens : cannes.com

photo : Orsten Groom, LIMBE 2 © Courtesy Templon, Paris – Brussels