Le monde de demain

Maï Lucas Photographe

Le monde de demain

Maï Lucas est une de ces personnalités qui constituent par leurs travaux la mémoire de toute une génération. Elle explore, observe, shoote… et immortalise les grands noms de la street culture. Avec Solitudes, son exposition à la Villa Magdala à Hyères, elle donne à voir un aperçu de son parcours photographique, authentique et exceptionnel.

Début des années 80, cette artiste parisienne arpente les lieux où le mouvement hip-hop fait ses premiers pas : terrain vague de La Chapelle et ses graffeurs, les Bains Douches aux côtés de Fab 5 Freddy ou Assassins… Elle traîne avec NTM, photographie MC Solaar, le Ministère A.M.E.R, Booba et j’en passe, s’entretient avec Matthieu Kassovitz quand il réalise La Haine. Elle rappe même un peu aux côtés de Eva Campocasso (directrice artistique pour Chanel, Jean-Paul Gaultier ou Karl Largerfeld) et vit intensément cette période comme Sté Strausz ou B-Love. « Aux débuts du hip-hop en France, on est une bonne dizaine de fly girls à vivre cette culture à 100%, à y participer (…) C’est juste regrettable que la France n’ait pas su mettre l’accent sur la féminité de cette culture« , indique l’artiste.

Maï Lucas sait très bien d’où vient toute cette influence, de New York, Mecque du Hip-Hop, vers laquelle elle va tout naturellement se tourner. Les aller-retours s’enchaînent et elle contribue à l’importation de cette culture américaine, de la même manière que Bando le fait pour le graff. « Je ne dis pas qu’il faut vénérer cette époque, mais la documenter m’a permis de participer aux fondations du hip-hop en France. Une base sur laquelle on a pu bâtir une culture vivante et toujours en mouvement« . Son livre Hip Hop Diary of a Fly Girl en est un des piliers. C’est la période Paris 86-96. Une fois aux États-Unis, elle continue d’explorer les endroits qu’on lui déconseille, à rencontrer les jeunes Jay-Z, Nas ou Smif-n-Wessun. « C’est comme ça que j’ai réussi à développer tous ces liens : sans avoir peur, en cherchant à comprendre leur vie et, parfois, en devenant amie avec eux. »

Mais son œil aiguisé ne s’est pas uniquement focalisé sur les (futures) stars. Elle shoote les passants, leur style, leur posture, leur attitude street. On pourrait dire qu’elle réinvente la mode par ses clichés empruntés à la Rue. Et cela nous fait penser à d’autres passionnées de l’objectif comme la célèbre Martha Cooper qui s’immergea dans la culture hip-hop de la même manière, pour, des décennies plus tard, livrer tout ça au grand public en guise de mémoire d’un précieux patrimoine !

Une expo à ne rater sous aucun prétexte, que vous pouvez compléter avec l’excellente série Le monde de demain de Katell Quillévéré et Hélier Cisterne, diffusée actuellement sur Arte.

Jusqu’au 13 nov, villa Magdala, Hyères. Rens: villamagdala.fr
© Maï Lucas – S1-0002