Saisies dans le vif

Saisies dans le vif

Elles se disputent, se coagulent ou se rétractent. Quelles sont ces concrétions réparties dans la neutralité d’un espace grisé duquel elles émergent ?

Sans doute expriment-elles ce qui préfigure une représentation qui se refuse, mais toujours demeurant tapie au seuil de l’élucidation du monde. Gérard Serée, qui expose actuellement à l’Atelier du Port – Didier Roman Architecte à Nice, en saisit l’instant de gestation dans le balbutiement du sens lorsque la matière surgit de la seule peinture.

Hors d’un chaos originel qui s’appuierait sur le vide, ce sont alors des excroissances de couleurs qui modèlent la toile. Leurs ensembles se répartissent selon le mode de l’attirance ou du rejet quand des masses noueuses s’ouvrent ou se ferment, fouillent une lumière invisible, taraudent le cœur de la toile. Elles échouent alors dans l’autorité de l’huile qui se diffuse en nuages épais et en contorsions conquérantes. Tout est mouvement et énergie si bien que le geste du peintre ne peut qu’en décrire les torsions délicates face à des zones striées qui tour à tour les désignent ou s’en écartent.

Les ensembles qui émergent alors, tout en se disloquant, désignent au-delà d’une glèbe primitive le seul point d’apparition d’une figure fondatrice, laquelle se terre dans sa gangue originelle. L’artiste dessine avec la puissance de la brosse ou la pointe de la gravure, les tensions et les fissures béantes quand le feu et la glace de la matière déploient leur énergie pour se confronter à l’espace. Parfois un jaune solaire le rature quand ailleurs une nuit convulsive lui répond. Voici une peinture saisie dans le vif. Dans le geste qui l’inaugure, la figure serait le seul écho qui se livrerait au gré de ses contorsions et de ses silences. À nous de l’écouter.

Jusqu’au 18 nov, Atelier du Port – Didier Roman Architecte, Nice. Rens: FB Gérard Serée

photo : Gérard Serée, Leur tâter haut et bas le ventre et le têtin, 93 x 130 cm, 2022 © DR