[L’anthroposcène] Et si l’art avait quelque chose à nous dire, ce serait … ?

[L’anthroposcène] Et si l’art avait quelque chose à nous dire, ce serait … ?

« L’œuvre d’art n’est pas le reflet, l’image du monde ; mais elle est à l’image du monde« . Eugène Ionesco

L’art, reflet du monde, cliché d’un instant ou préfiguration d’un futur en devenir ? Que dit-il de notre temps ?

Nous vivons une étape singulière, celle de l’Anthropocène, cette étape de la vie de la Terre et des êtres vivants qui la constituent où l’empreinte de l’être humain façonne les évolutions de notre planète, ou disons, plus modestement, y contribue fortement. Prenant conscience des impacts de nos actes, nombreux sont ceux qui perdent espoir et se noient dans l’éco-anxiété. Les COP se succèdent mais les résultats sont maigres et en attendant les températures montent et les glaciers fondent.

Et si les artistes venaient nous donner des indications des temps qui changent et laisser glisser dans nos cœurs des effluves d’espérance ?

Rappelons-nous comment les Demoiselles d’Avignon de Picasso sont venues marquer la fin d’une époque. Ce style, préfigurant les déconstructions exacerbées par Guernica, nous ont parlé d’un monde en déréliction. Celui du début du XXeme siècle, annonciateur des guerres et des faillites illustrant les pires ombres de la modernité. Aux horreurs de la barbarie de la Première Guerre Mondiale, à l’insupportable des guerres civiles et à l’apocalypse de la Seconde Guerre mondiale entre bombe atomique et camps d’extermination, la peinture par la déconstruction des lignes a souligné celle d’une époque et des sujets.

Comment sortir de l’Etre et du Néant ?

Aux paradoxes qui ont suivi les soubresauts de Mai 68, d’Andy Warhol et le pop art, à Miro ou Kandinsky c’est le temps des explosions de vie des Trente Glorieuses et de la couleur omniprésente accompagnant la musique disco. La vie avait besoin de balayer les horreurs.

Puis, c’est l’avènement de l’abstrait et du conceptuel, dans les années 80-90, les musées d’art moderne de Beaubourg à la collection Mudam regorgent d’œuvres où le figuratif a disparu. C’est aussi la période des années fastes où le capitalisme se transforme en libéralisme dérégulé et où nous pillons chaque jour un peu plus la biodiversité qui aujourd’hui est profondément épuisée. Tout ce qui vit a disparu, il ne reste plus que des lignes à la Mondrian.

Aux mangas japonais des années 90 déployant un imaginaire apocalyptique largement repris dans la collapsologie, voilà qu’avec les années 2010-2020 la prise de conscience que l’être humain EST une partie du vivant, conduit à revisiter l’art. Nous retrouvons les racines de cette communion avec la nature auprès de multiples artistes dont Rosa Bonheur fut précurseur et cela ouvre aujourd’hui la porte vers un figuratif revivifié avec Marlène Dumas. Comme s’il nous fallait nous réancrer en terre, retrouver les racines de la description, de l’admiration de la prodigalité de la nature pour la préserver et devenir une source de résilience. Bruno Latour (1) , philosophe, nous y avait invité et Baptiste Morizot (2)  ou encore Estelle Zong Mengual (3) ont su combiner philosophie, nouveau paradigme et trouver dans l’art le fil nourricier d’un nouvel élan dépassant l’anthropocène. Réapprendre à voir, pour nous réinventer, voici la promesse de l’art pour ouvrir une brèche, une voie d’espoir, semant les graines du symbiocène (4).

Retrouvez l’intégralité du dossier sur www.lanthroposcene.fr

(1) Où atterrir, La découverte, 2017.
(2) Manières d’être vivant, Actes Sud, 2020.
(3) Apprendre à voir, Actes Sud, 2021.
(4) https://gardenfab.fr/inspiration/glenn-albrecht-ou-le-symbiocene