Féminisme, architecture : d’une révolution à l’autre

Féminisme, architecture : d’une révolution à l’autre

Du féminisme révolutionnaire à l’architecture climatique, les conférences de la Fondation Prince Pierre s’attaquent à deux sujets qui s’invitent régulièrement au cœur des débats sociétaux, les 6 et 13 février au Théâtre Princesse Grace, en compagnie de l’historienne Hélène Carrère d’Encausse et de l’architecte Philippe Rahm.

Alors que la Russie fait actuellement beaucoup parler d’elle pour de bien funestes raisons, que le féminisme est en quelque sorte devenu un sujet tabou, voire un terme mal perçu, depuis que le dogme soviétique de Staline a jugé la « question des femmes » (« jenski vopros ») résolue en URSS, il est intéressant de voir que ce pays fut pourtant l’un des leaders, avec les pays nordiques, du féminisme révolutionnaire au début du XXe siècle. 1917, année qui vit l’avènement du bolchévisme, marque aussi un tournant pour les femmes russes : droit de vote, droit à l’éducation, droit de travailler, congés maternité, égalité des époux dans le mariage, et j’en passe. Autant de réformes progressistes – remises ensuite en cause, pour certaines, par Staline – alors impensables en France, où il faudra attendre 1944 pour que soit accordée au femmes la possibilité de se rendre aux urnes !

L’une d’elles est à l’époque en première ligne : Alexandra Kollontaï. Aristocrate qui rejettera très vite son « milieu », figure clef du féminisme révolutionnaire, elle était reconnue pour être une oratrice hors pair. Polyglotte, ministre du premier Gouvernement de Lénine, alors que les femmes n’accèderont à cette fonction qu’après la 2e Guerre Mondiale, elle deviendra aussi la première femme ambassadrice de l’histoire au début des années 20. Mère, écrivaine politique, romancière, diariste, théoricienne de l’amour libre, Alexandra Kollontaï et sa destinée hors normes seront contées le 6 février à Monaco, par l’une des grandes historiennes de la Russie, titulaire de nombreux prix, élue au Parlement européen et à l’Académie française : Hélène Carrère d’Encausse.

D’une révolution à l’autre, le Fondation Prince Pierre accueillera la semaine suivante l’architecte suisse Philippe Rahm, qui milite depuis des années pour un urbanisme en empathie avec le climat. Mais au fond, est-ce vraiment une révolution ? L’architecture et l’urbanisme étaient autrefois fondés sur le climat et la santé, comme l’indiquent notamment les traités de Vitruve (Ier siècle av. J.-C.) ou plus tard de Palladio (XVIe siècle), lesquels tenaient traditionnellement compte de l’exposition au vent et au soleil, des variations de température et d’humidité pour concevoir les formes des villes et des bâtiments. Alors que s’est-il passé ? L’homme, dont la capacité de destruction est malheureusement sans égal, a délibérément ignoré ces principes fondamentaux au prétexte qu’il était capable de les dominer grâce à l’utilisation d’énergies fossiles pour concevoir les systèmes de chauffage et de climatisation. La suite, on la connaît…

Aujourd’hui, « l’architecture est en première ligne pour se battre contre le réchauffement climatique« , indique Philippe Rahm. « Les bâtiments sont responsables de 39 % des émissions mondiales de CO2, contre 23 % pour les transports. En arrêtant d’émettre du CO2 dans les bâtiments, on réduirait d’un tiers les émissions de gaz à effet de serre » ! Le changement climatique oblige les architectes et urbanistes à repenser leur travail, à revenir aux sources de l’architecture climatique (ou météorologique), car telle est la finalité intrinsèque de cette discipline : « l’architecture transforme artificiellement le climat dans ce qu’il a d’inconfortable pour le rendre habitable : le toit agit contre le soleil, le mur contre le vent et le froid, le tapis contre l’humidité du sol« , confirme Philippe Rahm, qui prône « un retour vers des principes météorologiques, climatiques et physiques qui réorganisent les moyens du design« , tels qu’ils étaient respectés jusqu’à l’apparition de technologies modernes peu soucieuses de l’environnement. « Il faut que les architectes comprennent que les données climatiques ne sont pas des contraintes, mais peuvent générer une nouvelle esthétique » ! Voilà le défi que s’est lancé Philippe Rahm il y a près de 30 ans, et qu’il évoquera le 13 février à Monaco.

Hélène Carrère d’Encausse, 6 fév 18h30 / Philippe Rahm, 13 fév 18h30. Théâtre Princesse Grace, Monaco. Rens: fondationprincepierre

photos: Hélène Carrère d’Encausse © John Foley / Opale / Leemage / Éditions Fayard – Philippe Rahm (the Meteorological Garden) © Philippe Rahm