Fable urbaine

Fable urbaine

Le Suquet des Artistes à Cannes accueille l’exposition Diffraction humaine, qui présente l’œuvre du jeune artiste sénégalais Serigne Ibrahima Dieye.

Après une exposition à la galerie Cécile Fakhoury à Paris, sa première en Europe, c’est à Cannes que le public pourra découvrir le monde brutal, sombre et coloré à la fois, de cet artiste issu de la jeune génération de peintres de l’École Nationale des Arts de Dakar. Son œuvre se décline en toiles et installations perturbantes, elles instaurent un malaise immédiat : celui de nos sociétés contemporaines. En effet, Serigne Ibrahima Dieye crée des personnages hybrides, entre l’humain et le monstre, habillés de griffes, fourrure ou plumes brillantes. Ses êtres mystérieux et mythologiques défient les règles de nos réalités quotidiennes et impressionnent le spectateur, ébranlé par leur aura de puissance et d’effroi. La majorité des toiles mesurent presque deux mètres : gigantesques, elles suscitent d’emblée l’inconfort.

Le terme diffraction signifie littéralement interférence : celle qui s’empare de l’être humain et le transforme en créature monstrueuse, violente. Cette diffraction se produit lors des crises symptomatiques de notre société, et l’artiste tient à représenter ce chaos à travers une impressionnante fable urbaine. Il utilise des outils rudimentaires : stylo, encre, collage, peinture, car il faut agir vite, sinon c’est le naufrage. Serigne est un observateur attentif des défaillances et dissensions de la société dans laquelle il évolue. Son œuvre n’est pas entièrement pessimiste, elle rappelle au contraire que dans les contes mythologiques, nombreux sont les héros qui triomphent des monstres. Serigne Ibrahima Dieye appelle justement le spectateur à être ce héros, à conscientiser les maux qui déchirent notre époque, à passer à l’action. C’est la mission sartrienne de l’écrivain engagé, c’est le pouvoir de l’art de bousculer, d’engendrer un monde meilleur. La démarche de l’artiste sénégalais est celle du cœur : il propose aux visiteurs d’inscrire le nom d’un proche disparu sur un des murs de l’exposition, comme pour suggérer que la pratique artistique guérit l’amertume.

Jusqu’au 23 avr, Suquet des Artistes, Cannes. Rens: cannes.com
photo : Serigne Ibrahima Dieye Jungle #4, 2022, Acrylique, encre, pastels sur toile, 90 x 120 cm