Chagall et moi !

Chagall et moi !

L’exposition anniversaire du Musée national Marc Chagall à Nice célèbre un demi-siècle d’activités, au travers du regard d’artistes d’aujourd’hui sur l’œuvre du peintre. Un événement en trois volets, lancé le 28 janvier 2023 pour s’achever le 8 janvier 2024, et dont la programmation culminera lors d’un grand weekend festif, le 7 juillet 2023, jour de naissance de Marc Chagall et celui du cinquantenaire du musée.

« Depuis ma première jeunesse, j’ai été captivé par la Bible. Il m’a toujours semblé et il me semble encore, que c’est la plus grande source de poésie de tous les temps. […] Le monde est pour moi comme un grand désert dans lequel mon âme rode comme un flambeau, j’ai fait ces tableaux à l’unisson de ce rêve lointain. J’ai voulu les laisser dans cette Maison pour que les hommes essaient d’y trouver une certaine paix, une certaine spiritualité, une religiosité, un sens de la vie. » Ces quelques mots sont extraits du discours d’inauguration du Musée National Message Biblique Marc Chagall, prononcé par l’artiste le 7 juillet 1973, jour de son 86e anniversaire. Un musée, ou plutôt une maison, comme il le dit lui-même, qu’il a appelé de ses vœux pour accueillir le cycle du Message Biblique. 

Débuté à l’orée des années 1950, avec l’idée de rendre vie à la chapelle du Calvaire à Vence, abandonnée et fermée au culte, ce cycle – qui compte douze tableaux illustrant la Genèse et l’Exode et cinq tableaux évoquant le Cantique des Cantiques – formera « le socle », le point de départ de ce qui deviendra finalement le Musée national Marc Chagall en 2008. En effet, tout en avançant dans sa besogne, l’artiste, qui préfère mettre l’accent sur la portée humaniste de ses œuvres en évitant de les accrocher dans un édifice religieux, fait le choix d’en faire don à l’État français en 1966. Trois ans plus tard, le ministre de la Culture André Malraux décide de lancer le chantier du site qui accueillera ce monument de l’histoire de l’art. Chagall suit de près l’avancement des travaux : il demande à ce qu’un auditorium y soit construit, une salle pour laquelle il élaborera les vitraux et la mosaïque. Pendant plus d’une dizaine d’années, jusqu’à son dernier souffle, en 1985, l’artiste est présent lors de chaque vernissage et lance, en grand mélomane qu’il était, une ambitieuse programmation de concerts grâce aux nombreuses relations amicales et artistiques qu’il avait forgées tout au cours de son existence. Musée monographique, illustrant la spiritualité de ses travaux tout comme son inscription dans les courants artistiques de son époque, le site a bénéficié depuis sa mort de nombreuses donations lui permettant désormais de couvrir l’ensemble de son œuvre. 

Cette exposition anniversaire Chagall et moi ! sous-titrée Regards contemporains sur Marc Chagall propose de célébrer en trois volets (voir encadré ci-contre) un demi-siècle d’activités foisonnantes tout en abordant les messages transmis par l’artiste.

De Natura, performance dansée par Mimoza Koike et Asier Edeso dans le jardin du musée national Marc Chagall, à Nice, le 3 juillet 2020. Photo : © Patrick Massabo, 2023.

PREMIER VOLET
Jusqu’au 30 avril, le premier volet de la grande exposition anniversaire invite quatre artistes à partager leur lecture contemporaine des œuvres du Maître.

On y découvre le regard de l’écrivain Stéphane Lambert, à travers un parcours, Le monde transfiguré, par lequel l’intimité du peintre se conjugue aux mythologies qui tour à tour le hantent et le hissent au plus près d’une vie réconciliée après les épreuves de l’exil. Les œuvres présentées participent à la rêverie, à la métamorphose et à la joie quand le peintre s’incorpore symboliquement à la fête de la vie. C’est une autre approche que suggèrent Mimoza Koike et Asier Edeso, danseurs et chorégraphes, en pénétrant physiquement les images de Chagall par une floraison de mouvements qui rendent hommage à l’extraordinaire effervescence des formes et des couleurs dans l’œuvre du peintre.
Quant à Makiko Furuichi, artiste d’origine japonaise née en 1987, c’est dans une salle face à la mosaïque de Chagall se reflétant dans un miroir d’eau qu’elle propose par de vastes fresques et des aquarelles sur papier, une interprétation du lieu tout en élargissant le message spirituel et universel du peintre. L’architecture semble alors absorbée aussi bien par la couleur qui incendie ou apaise que par la végétation alentour que l’artiste diffuse par de larges courbes qui embrassent ici les ailes d’un corbeau, là le souvenir des arbres et toujours la présence d’un ciel et l’envol des figures prophétiques. Il ne s’agit alors ni de copier ni même de dialoguer avec Chagall mais plutôt d’interpréter l’œuvre de celui-ci sur un mode poétique ou burlesque en adoucissant ou en grossissant la peinture comme le récit par la fluidité de l’aquarelle, l’expressivité caricaturale des visages et des gestes ou l’exaltation de l’imaginaire. Et sous la légèreté d’un pinceau plein de vie, c’est toute la vitalité de Chagall qui surgit, la force de ses miracles et le souffle d’un récit qui affleure l’image autant que la puissance de son mystère la pénètre. Un sourire malicieux l’accompagne quand Makiko Furuichi nous entraîne sur ces autres rivages où la peinture de Chagall continue à vivre comme si elle échappait même à l’espace du musée. Michel Gathier (lartdenice.blogspot.com)

28 jan 2023 au 8 jan 2024, Musée national Marc Chagall, Nice. Rens: musees-nationaux-alpesmaritimes.fr

photo Une: Marc Chagall, Après l’hiver, 1972 Revue Derrière le miroir, n°198, pages intérieures, mai 1972 Lithographie couleur Collection musée national Marc Chagall, Nice. Photo: RMN-Grand Palais / Adrien Didierjean © Adagp, Paris, 2023