Printemps des Arts : un opus 2 foisonnant

Printemps des Arts : un opus 2 foisonnant

Bruno Mantovani, directeur du Printemps des Arts de Monte-Carlo, se réclame des oppositions fortes dans la programmation qui est la sienne, pour sa 2e saison sur le Rocher. Certainement parce qu’il sait que ces confrontations sont source de vie…

Intitulée Ma fin est mon commencement opus 2, sous-titrée Musiques d’Amérique et d’ailleurs, la programmation concoctée par Bruno Mantovani reprend quelques-unes des idées fortes de sa première édition à la tête du Printemps des Arts, à savoir celle des trajectoires créatives des compositeurs, mais s’enrichit cette année de nouvelles directions. Et bien sûr, ADN du festival, la création y sera bien présente sous des formes multiples, du 8 mars au 2 avril prochain.

Trajectoires compositionnelles

Ma fin mon commencement, inspiré de l’œuvre de Guillaume de Machaut du même nom, qui ouvrait la manifestation de la saison dernière, donne à la fois son titre au festival et reprend l’idée de la « question stylistique » chère au cœur de Bruno Mantovani. Le principe de « l’Intégrale » donne à entendre ainsi un voyage, celui d’un compositeur en prise avec sa création : aussi, ce sont les intégrales des pièces pour violoncelle et piano de Gabriel Fauré, jouées par le père et le fils Denis et Aurélien Pascal, les dix sonates pour piano d’Alexandre Scriabine, sous les doigts de la pianiste arménienne Varduhi Yeritsyan, les œuvres vocales et orchestrales de Felix Mendelssohn par l’Insula Orchestra et le chœur Accentus, tous les deux dirigés par Laurence Equilbey, mais aussi l’incroyable étendue de l’œuvre pour piano d’un Franz Schubert, interprétée par un familier de ce répertoire, Michel Dalberto, qui illustreront tout au long des concerts cette question de l’évolution d’une écriture musicale.

MICHEL DALBERTO, UN PIANISTE EN RÉSIDENCE
La résidence de Michel Dalberto sera l’occasion de s’approcher au plus près du mystère de l’interprétation de l’un des grands du piano ! Héritier de la tradition pianistique d’un Cortot ou d’un Perlemuter, Michel Dalberto s’immerge très tôt dans Schubert et Mozart, mais aborde à peu près tous les répertoires en soliste ou en musique de chambre. Il vient de faire paraitre un enregistrement consacré à Franz Liszt, qui sera suivi d’un album de sonates et duos dans lequel son complice s’appelle Michel Portal. Il ouvrira le festival, le 8 mars, en compagnie de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo dirigé par Kazuki Yamada, dans un programme de musique française, à savoir deux œuvres de César Franck, Les Djinns et Les Variations symphoniques. Un concert suivi d’une séance de dédicaces du musicien. C’est avec Franz Schubert que se poursuivra sa rencontre avec le public monégasque, le 9 mars, dont il est le seul pianiste vivant à avoir gravé au disque l’intégralité de l’œuvre pour piano. C’est dire l’intimité qu’il entretient avec le maitre autrichien ! Enfin, le 11 mars, après une masterclass au Centre culturel Prince Jacques à Beausoleil, Michel Dalberto sera rejoint par le baryton Edwin Crossley-Mercer pour célébrer le mariage subtil entre musique et poésie que sont les mélodies françaises et les lieder allemands : au programme Franck, Duparc, Fauré et Schubert. Après ce récital, il retrouvera le public pour un after au Crystal Bar de l’hôtel Hermitage à 22h30.

L’Amérique et ailleurs

L’affiche et les illustrations de cette édition 2023, signées Robert Guinan, « peintre de l’attente et du mouvement« , comme le décrit Bruno Mantovani, faisant un peu référence à la poésie d’un Edward Hopper, laissent deviner que le festival sera tourné vers les musiques de l’Amérique du Nord. Comme le rappelle la princesse de Hanovre, marraine enthousiaste et éclairée de ce festival, les liens entre la Principauté et l’Amérique sont étroits, depuis fort longtemps, « depuis que Nadia Boulanger enseignait à Aaron Copland ou Elliott Carter et les entraînait à l’Opéra de Monte-Carlo, jusqu’à Betsy Jolas que nous avons le privilège d’accueillir cette année pour une œuvre récemment créée« , explique-t-elle en introduction. Cette interaction culturelle de longue date se traduit tout au long du festival par une pluridisciplinarité qui réunira le jazz, le cinéma, la littérature tout autant que la musique. Et pour la musique bien sûr, le classicisme confrontera la radicalité aussi bien avec le compositeur américain Aaron Copland (1900-1990) et sa gigantesque Troisième symphonie, que jouera l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo sous la baguette de Case Scaglione, ou Samuel Barber (1910-1981) et sa Première symphonie, par le BBC Symphony Orchestra, qu’avec les deux autres géants américains du 20e siècle, inventeurs que seule la temporalité rapproche, Elliot Carter et Steve Reich, interprétés par l’ensemble TM+ dirigé par Laurent Cuniot

La création

Parce que la langue est une musique en soi, et que les femmes ont peut-être le secret de l’intériorité, leur langage est présent tout au long du festival.  L’une d’elles est à l’origine de la création mondiale de François Meïmoun, qui offre un nouveau visage à Antigone dans un mélodrame pour récitant et orchestre composé sur un texte de Geraldine Aïdan. L’historique Quatuor Diotima, en résidence durant le festival, portera la création de Philippe Schoeller, Extasis pour quatuor à cordes, en écho aux grands maitres du quatuor au 20e siècle, Bela Bartók et Gyorgy Ligeti. La modernité des œuvres pour clavecin de l’allemand du 17e siècle Johann Jakob Froberger fera face aux Désordres passagers, une suite de tableaux sonores en création de Christophe Maudot, sous les doigts de Jory Vinikour.

LA TYRANSMISSION AU COEUR DU FESTIVAL
La journée du 22 mars sera particulièrement riche en évènements liés à la transmission, centrale dans l’esprit de la programmation. Outre les conférences, les masterclasses, les vidéos de présentation, les rencontres, les tables rondes qui émaillent toute la durée du festival, les plus jeunes seront ce jour-là au cœur de deux événements : à 15h, le concert Carte blanche aux conservatoires réunira des élèves de Menton, Grasse, Beausoleil, Cannes, et bien sûr Monaco, autour d’œuvres de compositeurs américains. À 19h, les élèves non musiciens du collège de l’institution FANB, de l’école des Révoires et de l’école Saint Charles seront associés à un quatuor et à de l’électronique sur la scène de l’Auditorium Rainier III pour donner en création mondiale la dernière création de Fabrice Jünger, Remember : huit pièces éducatives inspirées par l’encyclopédie Musiques de Jean-Jacques Nattiez, sur des poèmes de l’américaine Maya Angelou.

Les découvertes

Le Printemps des Arts c’est aussi l’occasion de découvrir sur scène de jeunes formations ou artistes dont c’est la première apparition à Monaco. Ce sera le cas de l’organiste Thomas Ospital, jeune prodige virtuose qui fera retentir, sur l’orgue de l’église Saint Charles, des musiques ultimes de Mozart, Franck et Reubke, tous trois éminents pianistes aussi bien qu’organistes. L’ensemble La Diane Française, fondé en 2017 par la violoniste Stéphanie-Marie Degand qui le dirige, toujours curieux d’interroger l’histoire de la musique française et de ses échanges avec le reste du monde, propose un concert sur le thème des Danses françaises et virtuosité italienne qui questionne la création en Europe, au 18e siècle. Et comme il ne saurait être question d’Amérique sans évoquer le jazz, le quintette du contrebassiste Riccardo del Fra retrouvera l’Orchestre des Pays de Savoie, dirigé par le jeune et fougueux chef d’orchestre Léo Margue, pour un hommage à Chet Baker.

8 mars au 2 avr, Monaco. Rens: printempsdesarts.mc

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