27 Mar Printemps des arts, le grand écart
Ultime weekend pour le Printemps des Arts de Monte-Carlo 2023, qui accordera une place de choix au Quatuor Diotima, tandis que l’Ensemble TM+ offrira un véritable panorama sonore des États-Unis du siècle passé.
Deux fils rouges étaient tirés pour cette édition 2023, la deuxième conduite par Bruno Mantovani : une mise en regard des musiques nord-américaines – illustrée par le grand écart esthétique que proposera le 1er avril l’Ensemble TM+, dirigé par Laurent Cuniot, entre l’activité new-yorkaise du City Life de Steve Reich et le Capitole majestueux du A Mirror on Which to Dwell d’Elliott Carter – et la passionnante question de l’évolution stylistique des compositeurs entre le début et la fin de leur parcours, explorée notamment au travers de Ligeti et Bartók.
Ce dernier a-t-il eu conscience qu’il bouclait une longue trajectoire avec son Quatuor à cordes n°6 (1939) qui réintègre une dimension autobiographique ? Ce dernier opus est écrit peu avant le départ du compositeur pour les États-Unis, au lendemain de la mort de sa mère. Le Quatuor Diotima communiquera tout à la fois l’intensité et la fragilité du propos, le désespoir et l’exaltante beauté de ce chant profond, « l’une des expressions artistiques les plus révélatrices des blessures du XXe siècle« , écrit très justement Bernard Fournier dans son Histoire du quatuor à cordes. Au cours de cette même journée du samedi 1er avril, l’ensemble français créera Extasis de Philippe Schoeller (né en 1957), tenant d’une certaine « écologie de l’écoute« , une façon de s’aventurer de nouveau dans l’inconnu sonore qui demeure la signature du Printemps des Arts.
Puis, comme un symbole, les Diotima relieront, en clôture du festival, l’héritage de Bartók et Ligeti à la modernité du Different Trains pour quatuor et bande de Steve Reich, jalon majeur de la fin du XXe siècle. Avec cette œuvre, le compositeur américain évoque son expérience de très jeune enfant de parents divorcés, dont le père vivait sur la côte Est des États-Unis à New York, et la mère sur la côte Ouest à Los Angeles, et qui de 1939 à 1942 fut contraint de faire de fréquents aller-retours en train pour se rendre d’une ville à l’autre au cours d’un voyage long de trois jours. Une expérience qu’il met en parallèle avec la mémoire des déportés d’Europe convoyés par train vers les camps de concentration. Steve Reich sous-entend que s’il avait vécu en Europe à cette époque, en tant qu’enfant juif, ce sont ces « trains bien différents » qu’il lui aurait eu à prendre…
Le temps d’un weekend, qui résume à lui seul le concept du Printemps des Arts, sera ainsi parcouru par un siècle de musique de chambre du début du XXe siècle à nos jours, des 1er et 6e Quatuor de Béla Bartók à la création de Philippe Schoeller, de György Ligeti à Steve Reich…
Jusqu’au 2 avril, Théâtre des Variétés, Auditorium Rainier III, Musée Océanographique, Monaco. Rens: printempsdesarts.mc
photo: Quatuor Diotima © Lyodo Kaneko