Le monde entier est une farce

Le monde entier est une farce

À Nice et Antibes, Daniel Benoin met en scène Falstaff, l’ultime opéra en 3 actes de Giuseppe Verdi, sous la baguette de Daniele Callegari qui dirigera l’Orchestre Philharmonique de Nice.

Le maestro vénéré avait 80 ans lorsque l’œuvre fut jouée pour la première fois le 9 février 1893 à La Scala de Milan. Giuseppe Verdi pensait être parvenu au terme de sa carrière lyrique avec Otello, quand, en 1889, son librettiste Arrigo Boito revient lui proposer un livret inspiré de deux pièces de Shakespeare Les joyeuses commères de Windsor et Henri IV. Séduit par le sujet comique de l’ouvrage, Verdi reprend alors ses partitions et tourne le dos au tragique pour composer ce qui deviendra son unique opera buffa.

Dans la riche galerie des personnages de Shakespeare, Sir John Falstaff (Roberto De Candia) est un poussah épicurien, jamais repu, toujours assoiffé. Un fanfaron tonitruant qui célèbre sans limites son amour de la vie. Homme entre deux âges, engoncé dans son embonpoint, il traverse le quotidien à l’arrêt sur les vestiges d’une séduction révolue. La réalité le rattrape. Il est à sec et endetté. Pour se refaire, il se met en tête de pécho deux bourgeoises pleines aux as, Alice Ford (Alexandra Marcellier) et Meg Page (Marina Ogii), en leur adressant la même lettre d’amour remplie de mots bancals. Pas dupes, ces dames infligeront une cinglante humiliation au « roi des ventres » comme elles se plaisent à le qualifier, non sans un certain mépris de classe. Pourtant, au-delà du tempérament hénaurme de Falstaff se profile la dimension tragique d’un homme vieillissant taraudé par la mort. Celle, que vraisemblablement Verdi l’octogénaire voyait aussi arriver.

S’appuyant sur une vision plus grave du personnage perçue par Daniel Benoin, metteur en scène et décorateur d’une quarantaine d’opéras, le directeur d’Anthéa explique : « Pour la première fois je situe Falstaff, aujourd’hui. Avec deux lieux importants, celui de Falstaff qui est un squat dans des HLM pourris où plus personne n’habite à part des jeunes et Falstaff et sa bande. Lui-même étant un vieux biker des années 80 qui sent sa fin proche et bien décidé à profiter de la vie jusqu’au bout. De l’autre côté, on a le lieu des Ford, une belle villa moderne, avec des bourgeoises qui cherchent à s’amuser avec ce vieux biker qu’elles ont sans doute admiré quand il avait 30 ans de moins. » Indécrottable naïf, terriblement humain, Falstaff est resté fidèle à lui-même dans un monde contemporain toujours plus individualiste. Berné jusqu’au bout, sans rancune pourtant et riant même avec les autres de son propre ridicule, Sir John Falstaff aura la noblesse absolue de conclure en chantant : « Le monde entier est une farce.« 

31 mars au 6 avr, Opéra de Nice. Rens: opera-nice.org
13 & 15 avr 20h, Anthéa, Antibes. Rens: anthea-antibes.fr

photo: Daniel Benoin et son équipe au travail sur l’opéra de Verdi, Falstaff © FB Opéra Nice Côte d’Azur