Quoi, ma gueule ?

Quoi, ma gueule ?

La Villa Paloma – Nouveau Musée National de Monaco héberge depuis le 31 mars l’exposition Humanoïdes de l’artiste américain George Condo. Tour d’horizon.

Ami proche des comètes Keith Haring et Jean-Michel Basquiat, George Condo, né en 1957 à Concord – New-Hampshire, débarque à New York, travaille auprès d’Andy Warhol à la Factory, et se manifeste pour la première fois au début des années 80 sur la scène artistique d’East Village, en prenant fermement le contre-pied d’une époque écrasée par la Figuration libre et le Néo-expressionnisme. Déclinée en 6 volets, son exposition monégasque reprend les différentes phases de son travail à travers un vaste ensemble de peintures, de la plus ancienne (The Barber Shop Painting,1985) à celles, plus récentes, spécialement élaborées pour la circonstance (Blues in F Major, 2022).

Avant d’entreprendre de déloger, armé de son pinceau turbulent, les créatures carnavalesques qui peuplent son imaginaire, George Condo avait suivi une formation classique en histoire de l’art, théorie musicale, et philosophie. Son travail pioche ouvertement dans les références historiques de l’art comme Picasso, Goya, Velasquez, Manet (Yankee Doodle, 2003), qu’il fait soudain bifurquer vers ces archétypes mythiques familiers de la culture américaine que sont les personnages de Tex Avery, Hanna et Barbera et des Looney Tunes. En s’emparant des techniques de la Renaissance, du Baroque espagnol, de l’Impressionnisme, du Surréalisme, du Modernisme des années 50 et du Pop art qu’il a absorbé, Condo les dévie pour les recontextualiser selon un mode d’expression original qu’il justifie par le terme de « réalisme artificiel », c’est-à-dire la représentation réaliste de ce qui est artificiel.

Difficile de se faire une idée si l’on ne connait pas le travail de Condo, mais dès que l’on se trouve face à l’un de ses portraits, une déflagration visuelle se déclenche en nous. C’est quoi ce « truc » totalement « fake » qui ne ressemble à rien et qui cependant nous parle instantanément ? Comme une sensation diffuse de déjà-vu. Oreilles, nez, yeux, face, profil, bouche, dents, menton… Tout y est. En vrac, juxtaposé, encastré, disloqué, exacerbé. Un pillage de styles accompli dans les règles de l’art. « L’humanoïde n’est pas un monstre de science-fiction, c’est une représentation qui utilise des moyens traditionnels pour faire remonter les émotions profondes à la surface d’une personne« , dit-il. Jeune fille en fleur, femme ambitieuse, Playboy Bunny, maîtresse d’école, prêtre, cardinal, clown, serviteur, toutes (Rodrigo’s wife, 2011) et tous passent sous le bistouri d’une chirurgie esthétique iconoclaste qui fusionne état mental et apparence extérieure. Confusion mentale et appâts rances. 

Trois bonnes décennies plus tard, par un langage pictural aussi explosif que maîtrisé, le peintre-dessinateur-sculpteur persiste et s’affirme comme une figure déterminante du monde de l’art. George Condo arrache les masques de nos sourires de façade. Dessous, le rictus grimaçant d’une Humanité aux désirs contrariés. C’est grinçant, extravagant. C’est irrévérencieux, carnassier et… franchement marrant !

31 mars au 1er oct, Villa Paloma – Nouveau Musée National de Monaco. Rens: nmnm.mc

photo: George Condo Summer, 2010, série The Four seasons Acrylique, fusain et pastel sur toile de lin 193x254cm. Collection privée © 2023 George Condo / Artists Rights Society (ARS), New York.

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