[Picasso 1973-2023] À Mougins, Picasso par ses amis artistes

[Picasso 1973-2023] À Mougins, Picasso par ses amis artistes

Picasso a sillonné la Côte d’Azur en long et en large. Mais c’est à Mougins, le 8 avril 1973, à l’âge de 91 ans, qu’il a laissé orphelin le monde de l’art. Pour rendre hommage à celui qui fut l’un des plus grands maîtres du XXe siècle, la Ville de Mougins propose, jusqu’à octobre prochain, une série d’expositions, de visites exclusives, la projection du documentaire Picasso & Mougins… et même un Menu Picasso, proposé par l’emblématique restaurant des Amandiers.

C’est en 1936 que Picasso se rend pour la première fois à Mougins, invité par un Fernand Léger qui logeait provisoirement au village, le temps de quelques rénovations dans sa maison biotoise. Avec son épouse et muse du moment, Dora Maar, et leur lévrier afghan répondant au doux nom de Kazbek, Picasso découvre, lors de vacances estivales, la douceur de vivre sur la Côte d’Azur et la lumière qui en a fait la réputation auprès des plus grands artistes. Jusqu’en 1939, il reviendra y séjourner, accompagné par ses amis Paul Eluard ou Man Ray, lequel évoquait ces étés où ils se retrouvaient « comme une famille heureuse (…) à la pension des Vastes Horizons, dans la campagne de Mougins, au-dessus d’Antibes. » Un hôtel où le peintre espagnol aurait, lors d’une soirée festive, dessiné avec l’aide des copains une fresque plus que suggestive recouvrant l’un des murs de sa chambre. Peu férue d’art, la taulière des lieux aurait alors sommé les fautifs de réparer les dommages, à grand renfort de chaux et de peinture. Mythe ou réalité, la réponse se trouverait sur une photo de Dora Maar récemment exhumée, représentant une femme nue avec Picasso peignant en arrière-plan dans sa chambre de l’Hôtel Vaste Horizon, quasi à même le mur… Un cliché, parmi tant d’autres, visible cette année à l’occasion de la visite commentée de la chambre occupée par l’artiste dans l’hôtel Vaste Horizon.

Tu veux sa photo ?

C’est le point fort des visites commentées Sur les pas du maître proposées en ce moment à Mougins. Un parcours didactique cheminant par les ruelles du village, à la découverte des lieux qui ont marqué les séjours de Picasso et des expositions imaginées à l’occasion de ce cinquantenaire. Trois d’entre elles montrent l’artiste espagnol durant ses séjours azuréens, à travers le regard de trois photographes.

Au Lavoir, c’est avec les yeux d’André Villers, devenu le portraitiste hors pair que l’on connait, et que Picasso prit en quelque sorte sous son aile, que l’on découvre l’homme de tous les jours derrière la star qu’il était alors. C’est d’ailleurs lui qui offre au jeune photographe son premier appareil professionnel, un Rolleiflex, avec lequel il réalisera de nombreux portraits du peintre. Leur amitié évoluera même vers la réalisation d’une œuvre « à quatre yeux » : 30 images expérimentales publiées sous le titre Diurnes en 1962, accompagnées d’un texte original de Jacques Prévert. « Le plus beau cadeau qu’il m’ait fait« , a déclaré Villers. Une trentaine de portraits du maître, autrefois exposés à l’ex-Musée de la photographie André Villers, sont ici montrés, ainsi que de rares planches philatéliques à l’effigie de Picasso (prêt du Cercle d’Histoire et d’Archéologie Mouginoises, Georges Ferretti).

Autre photographe ayant immortalisé et valorisé le monde artistique, Henri Traverso a capturé Picasso lors de ses pérégrinations azuréennes. Scène55 et, au cœur du village, le Four à Pain – qui par ailleurs projette en boucle le film documentaire Picasso & Mougins dans lequel est relatée la relation établie par le peintre avec la cité azuréenne durant les années 30 à 60 – accueillent une quarantaine de clichés piochées dans la collection familiale.

À l’instar de Villers, Lucien Clergue était lui aussi un proche du peintre espagnol. Il eut le privilège de côtoyer et saisir un Picasso reclus, en compagnie de sa dernière épouse Jacqueline Roque, dans le célèbre Mas Notre-Dame-de-Vie, où il s’éteignit le 8 avril 1973. Quel endroit plus approprié que la chapelle qui jouxte cette dernière demeure et que Picasso surnommait « l’Antre du Minotaure », pour y exposer les clichés de Clergue ? Des images intimes prêtées par le Musée d’Art Classique de Mougins (MACM), à découvrir au 1er et 2e étage de l’ermitage de la chapelle.

Ou alors un dessin ?

Puisqu’on parle du loup, le MACM accueille également, jusqu’au 30 septembre, une exposition intitulée Picasso vu par les autres, avec des œuvres de Dora Maar et Françoise Gilot, deux femmes et artistes qui ont partagé sa vie, ainsi que celles d’amis et relations comme Man Ray, Robert Doisneau, Philippe Halsman, ou Gabriël Sterk, dont on peut admirer une sculpture en bronze de 2,40 m de haut, à l’entrée du village, sur la place des Patriotes. À retenir que le sculpteur néerlandais est également mis à l’honneur dans toute la ville, avec l’exposition à ciel ouvert Mougins Monumental 2023, visible jusqu’au 5 novembre (voir article page 12). Vous l’aurez compris, il n’est pas uniquement question de photographies au MACM, mais aussi de dessins, de peintures et de sculptures. Une exposition à parcourir en parallèle des œuvres originales du maître espagnol sorties de la collection du musée : car si Picasso est à l’origine de fréquentes ruptures stylistiques qui ont marqué l’histoire de l’art, les figures mythologiques, à commencer par le Minotaure, ont cependant constitué un vivier d’inspiration considérable pour lui.

Signalons enfin que Mougins inaugurera en juillet 2023 un nouveau centre d’art, qui accueillera pour l’occasion une exposition de gravures intitulée La route du cuivre: Pablo Picasso et Aldo Crommelynck à Mougins (1963-1971). Nous y reviendrons dans notre numéro « Spécial été » à paraître le 27 juin prochain !

Jusqu’à oct 2023, lieux divers, Mougins. Rens: mougins.fr & mouginsmusee.com

photo: Pablo Picasso, façade du Vaste Horizon © Jérémy Guido, Ville de Mougins

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