[Picasso 1973-2023] Picasso, jusqu’au bout

[Picasso 1973-2023] Picasso, jusqu’au bout

Le 8 avril 1973 mourrait Pablo Picasso. Le 8 avril 2023 était inaugurée, en présence de la famille du maître, l’exposition Picasso 1969-1972 : la fin du début, au musée qui porte son nom à Antibes. Focus ici sur les quatre dernières années de création de l’andalou né en 1889 : 37 toiles et 4 œuvres sur papier y sont présentées, jusqu’au 2 juillet 2023.

« C’est un moment très extraordinaire parce qu’il est autour de ses 90 ans, il est dans une espèce de folie de peindre avec une frénésie dans la production, extraordinaire. Souvent des tableaux de grand format…Il faut donc considérer que c’est un monsieur de 90 ans qui déploie toute cette énergie« , introduit Jean-Louis Andral, commissaire de l’exposition.

À Mougins, en total retrait du monde à la fin de sa vie, et jalousement protégé par Jacqueline Roque le dernier amour, Pablo Picasso intensifie le rythme de sa production entre 1968 et 1972. Pas une minute à dilapider pour celui qui dès son entrée en art contestait son siècle, rejetait tout conformisme, engloutissant tel un monstre cannibale chaque période de sa vie pour alimenter son inspiration, et stimuler sa créativité. Dernière passe d’armes, la vieillesse. De son pinceau banderille, Picasso défie la mort en travaillant. Jusqu’au bout. Il peint la tauromachie. Torero, Mougins, 12 avril 1972… À 8 ans, sa première peinture était déjà un torero à cheval : Le petit Picador jaune. Son père venait de lui faire découvrir la corrida. La mort, dès le début. Boucler la boucle. Bilan de toute une existence d’observation, Picasso ignore une critique unanime à pointer un artiste en redite et revient explorer ses thèmes de prédilection : les mousquetaires, les matadors, les nus. L’approche se fait toujours plus incisive dans la forme. Incompréhension. En 1970, la critique américaine éreintera ses « griffonnages » rapides exposés au Palais des Papes, à Avignon.

Picasso continue aussi de peindre les femmes. Baisers enragés des amants, fusions triviales, le nonagénaire a toujours faim, montre, déforme et détruit plus que jamais les corps offerts en gros plan (Femme couchée, Mougins, 14-15 nov. 1971, huile sur toile, 130-195cm). « Il faut savoir être vulgaire et peindre avec des gros mots« , disait-il. Mais à l’heure de #MeToo, impossible de ne pas évoquer le comportement ultra sexiste et violent de Picasso avec les femmes. Cécile Debray, présidente du Musée national Picasso-Paris : « J’ai fait le constat que l’aura de Picasso s’était terni, principalement dans les milieux universitaires et auprès de la jeunesse… J’ai mesuré l’urgence à s’emparer de ce sujet, à accueillir le débat… Picasso a non seulement mis en scène sa masculinité, mais également représenté l’acte amoureux, en prenant beaucoup de ses compagnes pour modèles. » À nous de rappeler ce qui se passait hier, pour éduquer, pour expliquer, et faire en sorte que ce qui se passe aujourd’hui, cesse. Faut-il séparer l’homme de l’artiste ? Perpétuelle interrogation. On sait bien que les artistes ne sont pas forcément des modèles d’exemple dans leur quotidien prosaïque. À chaque personne de prendre ses responsabilités. À elle seule de décider, dès lors qu’elle est informée et sait à qui elle a affaire.

Jusqu’au 2 juil, Musée Picasso, Antibes. Rens: antibes-juanlespins.com

photo: Pablo Picasso, Femme couchée, Mougins, 14 – 15 novembre 1971, Huile sur toile, 130 × 195 cm, Zervos XXXIII, 228, Inv. 13819, Collection particulière Photo © Maurice Aeschimann © Succession Picasso 2023