À la recherche d’un folklore retrouvé

À la recherche d’un folklore retrouvé

La formule heureuse du folklore imaginaire a-t-elle eu des petits-enfants ? Elle pourrait… Née il y a plus de 50 ans, on en trouve les traces lumineuses dans ce petit éco-bourg de Correns où vont éclore pour la 26e fois les Printemps du Monde : festival de la pollinisation, du bel aujourd’hui qui s’ouvre aux beautés presque oubliées d’hier, d’un Occident vacillant qui tend l’oreille vers tous les artisanats de la planète…

Pendant les trois jours du week-end de la Pentecôte, se côtoieront des orchestres hasardeusement bricolés qui témoignent de ces amours sans sites de rencontre. L’un des rendez-vous les plus attendus est bien sûr le quartet des Égarés : un saxophone soprano reconnaissable à sa première note, rond, poli, foncé comme un galet (Émile Parisien), un accordéon à la sensualité constamment renouvelée (Vincent Peirani), un violoncelle venu du classique, puis du jazz et frotté à toutes les expériences de la musique contemporaine à la chanson (Vincent Ségal), et une kora immémoriale (Ballaké Sissoko) : voici deux duos qui se rassemblent en un merveilleux quadrille !

Autre décentrement réussi, celui du projet Hâl, le voyage amoureux, imaginé par la famille Chemirani. Le père a enseigné à ses deux fils Keyvan et Bijan le zarb traditionnel (et quelques autres instruments). On découvre la voix de leur soeur Maryam, moins connue en France, en écho aux tuyaux divers et charmeurs de Sylvain Barou. Frissons et hypnoses… Lui, le souffle du rebétiko l’accompagne : musique des bas-fonds du Pirée, de tavernes de marins ivres où la Grèce accueille l’haleine de l’Asie Mineure, juste en face, charnière trouble avec l’Orient. C’est Pnevmatiko, toute une hésitation entre consonne et voyelle, entre chair et esprit… Puis (par deux fois!) le Gashca Orkestar, fanfare des chemins balkaniques, musique de pauvres et d’édentés, qui rient fort et boivent sec, et arpentent une Europe centrale dont le centre est partout : ils marchent à 5 temps, à 7 temps, à 11 temps… Impair sans trébucher! À l’ouest de la Provence, on se souvient des Troubadours qui eux, lorgnent vers le Tarab du Sud, extase orientale : Serr / Sere, mêle transparence et opacité laiteuse. Là encore, on a une escrime affectueuse entre des traditions toutes différentes. Entre cansos et ghazals, cette création franco-égyptienne, imaginée par un septet de musiciens, sera créée en première mondiale à Correns !

On n’en finirait pas de les énumérer… La rumba congolaise de Borumba, qui fut Zaïroise et Latino-américaine longtemps avant ; Cristiano Nascimento et Wim Welker qui nous rappellent la tradition brésilienne dépassant largement la (magnifique) bossa-nova, avec les chorros, les frevos, les forros repris par des compositeurs « savants » ; le maloya réunionnais de Leila Negrau qui réunit les élèves des écoles alentour ; la vielle à roue de Castanha é Vinovèl et son balèti qui fait danser toutes les générations… Et Lamine Diagne racontant sous l’arbre à palabres des histoires pour laisser les enfants à moitié incrédules…

Trois jours pour tout cela ? Il y faudrait les cent ans de la chasse du Diable. Peut-être sera-t-il au rendez-vous…

26 au 28 mai, Correns. Rens: le-chantier.com

photo : Les Égarés © Claude Gassian