Tout sort de la terre

Tout sort de la terre

Le Ministère de la culture a lancé en 2021 le programme Mondes Nouveaux, visant à soutenir la création artistique émergente. C’est grâce à lui que Julia Gault a pu financer son projet militant Fossilis, ce que l’on tire de la terre, présenté actuellement à l’Abbaye du Thoronet.

« Tout sort de la terre et tout retourne à la terre« , écrivait le philosophe grec Xenophane. Une citation qui sied bien au travail de Julia Gault, artiste diplômée de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, qui porte avec cette exposition son attention sur deux événements concomitants et pourtant séparés de huit siècles : la construction de l’Abbaye du Thoronet au XIIe siècle et l’exploitation de la bauxite dans la colline de Darboussière au XXe siècle. En 1975, suite à l’extraction du minerai, l’abbaye menace d’être engloutie dans le sol et devient un territoire de tensions, entre rentabilité et respect des ressources. Un épisode qui fait brutalement écho aux débats écologiques actuels, et à la situation climatique plus que précaire, car l’exploitation de la bauxite a conduit à l’épuisement des sols du Var.

Julia Gault prolonge cet « héritage d’extraction » par les matériaux qu’elle utilise – terre rouge, empruntée au sol le temps de l’exposition, et aluminium recyclé – et la technique qu’elle met en œuvre – celle du moulage. Les sculptures deviennent alors des empreintes du lieu. « L’effet de négatif du moulage nous donne à voir la paroi vue depuis l’intérieur de la roche (…) L’empreinte, en renversant, révèle. » L’artiste utilise de la terre rouge afin de réaliser une réplique d’une des colonnes de l’abbaye : « La terre, c’est ma matière de prédilection ». De fait, elle questionne la place de l’être humain dans l’environnement naturel, le poids de ses gestes sur ce dernier. Quelles relations entretenons-nous avec la terre ? « Mes pièces se tiennent la plupart du temps dans un équilibre précaire où tout peut basculer », explique Julia Gault. On peut y associer l’équilibre fragile de nos sociétés consuméristes et en crise. Le geste militant de l’artiste rend compte des vacillements, et les consolide.

Monument national, l’Abbaye du Thoronet s’est imposée comme un modèle de réflexion sur le dispositif spatial, l’acoustique, la lumière et la relation avec la nature. Nombreux sont les architectes qui y ont puisé leur inspiration pour leurs créations. Le Corbusier notamment. Toutes les conditions sont réunies aujourd’hui dans cette exposition pour interroger notre empreinte sur la Terre.

Jusqu’au 28 mai, Abbaye du Thoronet. Rens: le-thoronet.fr

photo Une : croquis de Julia Gault © DR