23 Mai Aventurier du son
Quelle bonne idée a eu le Conservatoire de Nice que de rendre hommage à François de Roubaix pour la Fête de la musique !
Compositeur prolixe dans les années 1965-1975, il est essentiellement connu pour ses musiques de films, et sa patte est comme une carte de visite du cinéma français populaire, puisqu’il a travaillé avec Jean-Pierre Melville, Robert Enrico, Jean-Pierre Mocky, Serge Korber… Toute une époque !
À la fois mélodiste et arrangeur, François de Roubaix maitrise très astucieusement cette musique fonctionnelle qui jongle avec l’image. Au premier plan dans les génériques, les plans de transition, elle raconte l’histoire à sa manière, s’impose dans les creux de l’intrigue. Et dans les moments cruciaux, elle souligne, fait haleter, suspend le souffle du spectateur : abstraite, tendue, elle rend plus silencieux le pas du cambrioleur, plus glissant le toit par où on s’échappe…
François de Roubaix, fils d’un producteur de films, baigne depuis l’enfance dans le cinéma. Mais à 15 ans, il se passionne pour la Note Bleue et se laisse porter par le premier jazz de la Nouvelle Orléans. Il découvre tout seul la guitare, le trombone, le piano, et se coule dans un orchestre de Dixieland. Son destin de multi-instrumentiste est ainsi scellé: percussions, harmonica, contrebasse… il touche un peu à tout et incarne ce talentueux homme-orchestre – titre d’une comédie musicale qu’il a composée, avec Louis de Funès. Son amour pour le jazz classique se retrouve dans certaines de ces partitions, mais François de Roubaix a essentiellement incarné un changement d’époque : avant tout le monde, il installe dans son appartement un home studio et il bricole à merveille. D’un son à l’autre, il empile, il assemble, il tuile les timbres. Il utilise pour cela des instruments exotiques, empruntés à de multiples traditions: avant que l’expression de musiques du monde soit connue, il est déjà sur cette piste. Mais il se passionne aussi pour l’électronique, expérimente les premiers modulateurs, découvre les synthétiseurs quand personne ne les utilise. Il emprunte ainsi à la musique expérimentale des audaces et des découvertes toutes nouvelles pour le grand public. Et il flirte avec des impressions sonores encore inouïes: musique liquides, musiques gazeuses qui font tourner la tête…
Marquées par leur temps, ces partitions ont toujours gardé une souplesse qui permet qu’on les réinvente et qu’on les retaille. C’est ce qu’a fait par exemple Fred Pallem avec son orchestre impertinent du Sacre du Tympan. C’est ce que feront pour la Fête de la musique, les professeurs et les élèves du Conservatoire de Nice, sous la direction artistique de Gilles Swierc et Thierry Muller…
21 juin 18h30, Auditorium Joseph Kosma, Conservatoire de Nice. Rens: conservatoire-nice.org
photo: François de Roubaix dans son home studio © DR