La conquête spatiale, aussi une affaire de femmes !

La conquête spatiale, aussi une affaire de femmes !

L’été est propice à profiter des belles soirées étoilées et l’Astrorama d’Èze invite à lever le nez vers le ciel à travers des démonstrations, des observations, des conférences ou des lectures. Cette année encore, des scientifiques rendent hommage aux femmes qui ont contribué à l’histoire de la conquête spatiale. Michaël Pflimlin, médiateur scientifique, propose une conférence sur ces scientifiques oubliées, suivie d’une observation du ciel à l’œil nu et au télescope, le 28 juillet prochain.

Comment vous est venue l’idée d’une conférence sur l’apport des femmes dans l’exploration spatiale ?

Chaque année, l’Astrorama consacre une conférence pour valoriser les femmes de science. C’est pour nous quelque chose de très important, non seulement pour redorer la mémoire de ces scientifiques de l’ombre, mais également pour mettre en avant des modèles féminins, qui donneront envie aux jeunes filles de s’intéresser à ces domaines où les hommes prédominent, tant en termes de nombre que de réputation. Même en dehors de cet événement, nous avons toute l’année en exposition quelques portraits de femmes de science méconnues qui suscitent des questions de nos spectateurs ; il serait impensable de le faire une fois dans l’année, pour se donner bonne conscience. Nous reconduisons cette année l’opération, en nous concentrant sur le cœur de notre thématique de cette année, l’exploration spatiale.

Comment avez-vous sélectionné vos scientifiques ?

Si on remonte l’histoire, on va vite se rendre compte que les premières femmes scientifiques (répertoriées en tout cas, car certaines plus anciennes peuvent avoir été des oubliées de l’Histoire) remontent au XVIIIe siècle, pas avant. En France en tout cas, on peut penser à Emilie du Châtelet, qui est à la fois femme de lettres et mathématicienne. Elle traduira notamment les Principia de Newton en français, et effectuera une étude croisée de ses travaux avec ceux de Descartes et Leibniz, qu’elle traduira dans de nombreuses langues. Voltaire, son amant pendant 15 ans, dira d’elle à sa mort : « J’ai perdu un ami de 25 années, un grand homme qui n’avait de défaut que d’être femme et que tout Paris regrette et honore. On ne lui a pas rendu justice pendant sa vie.« 

Quelle est la 1e scientifique reconnue pour vous ?

Je citerais Hypatie pour la première femme scientifique notoire, née au 4e siècle, une référence de l’Antiquité quand on parle de femmes de science et de lettres. Elle enseignait notamment l’astronomie à Alexandrie, et a été assassinée par des fanatiques… Un destin hors du commun ! C’est aussi un personnage cité dans les aventures de Corto Maltese, et je suis un grand fan d’Hugo Pratt ! 

Quelles sont celles qui vous ont le plus marqué par leur histoire, leur parcours ou leurs combats ?

Il y en a tellement dont l’histoire est inspirante, qu’effectuer une sélection serait une tâche quasi impossible ! Ce qui est certain, c’est que toutes ont dû lutter contre le sexisme et les préjugés. J’aime beaucoup l’histoire de Florence Nightingale et ce qu’elle a apporté à l’épistémologie, alors qu’elle n’était qu’infirmière sur le papier, en déployant des représentations statistiques poignantes pour convaincre ses contemporains de l’origine des infections touchant les patients.

D’où vient le préjugé que les femmes ne sont pas faites pour les sciences ?

C’est une excellente question ! À l’occasion de cette conférence, l’Astrorama dévoilera une toute nouvelle animation consacrée à cela. Car s’il est courant et aisé de présenter des portraits de femmes de science, il est en revanche plus rare de s’intéresser aux racines du problème, et de trouver ainsi des solutions pour y remédier. La psychologie sociale a pas mal étudié le sujet, et de nombreux résultats expérimentaux mettent en évidence la « menace du stéréotype »… Je n’en dis pas plus, venez à l’Astrorama le 28 juillet pour en savoir davantage ! Cela nous permettra également d’offrir une meilleure visibilité sur ce sujet tout au long de l’année, et renforcer notre engagement en faveur de la féminisation de la science.

Aujourd’hui, y a-t-il une féminisation des labos de recherche ?

À l’échelle mondiale, oui c’est le cas et c’est encourageant. Mais en France par exemple, alors que la féminisation du métier de chercheur était en bonne voie, on s’aperçoit que les dernières réformes ont diminué drastiquement la proportion de filles dans les filières scientifiques, alors que la situation semblait s’équilibrer petit à petit. Les progrès sont donc très fragiles, et en ces heures de repli sur soi, un retour en arrière est hélas plus que possible… Le combat n’est donc certainement pas fini pour faire changer les mentalités.

Conférence d’Aurélien Crida sur le complexe de Fermi, juillet 2020, Astrorama d’Èze © DR

28 juil 21h, Astrorama, Èze. Rens: astrorama.net