
28 Juil À la recherche de nos liens perdus
New Dehli, fév 2023, au fil de mes pensées…
Quatre années se sont écoulées depuis mon dernier voyage en Amérique du Sud. Entre-temps, ce fut «la guerre» selon Macron… Et pour moi le temps de me battre à l’intérieur de notre centre névralgique européen. J’ai choisi de promouvoir les arts et d’en faire mon cheval de bataille. Une bataille perdue d’avance, mais qui m’aura permis de vivre sans me sentir isolé, dans un monde où le fait d’être «non vacciné» ne me fermerait que la porte d’un avion.
Vous ne le saviez peut-être pas, mais l’organisateur ou l’artiste en face de vous n’avait pas l’obligation d’être vacciné. Seuls les gens assis dans les gradins devaient l’être. Et maintenant que les milliards sont dans les poches des grands groupes pharmaceutiques et que la Covid et ses restrictions ont disparu en même temps que la Coupe du monde, je quitte le pays des droits de l’homme. On aime bien se répéter ça, «pays des droits de l’homme», même s’il ne l’a jamais été. Signer un traité n’a jamais rendu l’idée réelle, tout comme affubler ses mairies d’un Liberté, Égalité, Fraternité n’a jamais été qu’un concept, au mieux un liant. Je lis ici, en Inde, les nouveaux slogans collés sur des banderoles que les citoyens inventent pour se battre ensemble pour leurs droits hypothétiques… Et je ne sais plus quoi penser.
Ai-je raison d’aller chercher si loin une tentative supplémentaire de me prouver, et sait-on jamais vous montrer, qu’il existe un indivisible et invisible lien entre nous ? Ces dernières années l’ont piétiné. Alors, comment, dans ce monde de plus en plus individualiste, trouver la manière de nous intéresser à l’autre ? Car cela me paraît être une clé pour nous intéresser réellement à nous-mêmes. Nous sommes bien plus qu’une simple envie de consommer toujours plus, d’avoir de mieux en mieux, de posséder davantage que nos voisins. Nous sommes déjà bien plus que cela et nous cherchons seulement à le prouver. Je ne vous présente que la lumière de leurs visages et quelques mots sur leurs quotidiens, et même si j’aime à les sacraliser, comment cela pourrait-il nous aider ?
Il est toujours plus facile de voir l’émerveillement dans l’extraordinaire, et la banalité dans le commun. Soit. Pourtant, Confucius, Balzac, Pearl Buck, ou plus récemment Paulo Coelho affirment que nous devons réussir à faire l’inverse. Je me ferai donc conteur et photographe de leur simple quotidien ces prochains mois. En espérant que la force et faiblesse de leur combat habituel nous aident à trouver le courage de nous comprendre et nous aimer. Car c’est ce combat qui est le plus difficile, et qui est sûrement nécessaire au rassemblement, à notre bien-être commun et à l’épanouissement de nos libertés.
Pushkar, mars 2023. Je commence aujourd’hui par un lieu que mon amie Linda m’a fait connaître. Ils vivent en très grande partie de leur art, un début idéal pour moi. Elle me connaît bien. Au centre de New Delhi, cette communauté est très spéciale puisqu’à l’origine bâtie par des marionnettistes itinérants qui se sont sédentarisés ces 50 dernières années. Un Bidonville à première vue, la colonie Kathputli, dans la région de Shadipur Depot, abrite quelque 2 800 familles d’artistes. C’est un théâtre à ciel ouvert. Me balader dans ces ruelles est indescriptible. Si comme Jules Renard vous voulez de la vie au théâtre, et du théâtre dans la vie, faites-y un tour ! Je manque de mots… Magiciens, charmeurs de serpents, acrobates, chanteurs, danseurs, acteurs, guérisseurs et musiciens traditionnels sont tous réunis ici. Mais surtout, n’oubliez pas de vous laisser ensorceler par un marionnettiste (ou kathputli) du Rajasthan, l’effet est stupéfiant. Ils ont créé l’ordre dans le désordre. Exactement le contraire de nos marionnettistes de politiciens. Ils ont créé la plus grande communauté d’artistes de rue au monde, les nôtres ont créé la plus grande communauté d’artiste dans nos rues…
Je conclurai en citant Louis Jouvet, comédien, metteur en scène et professeur au Conservatoire national supérieur d’art dramatique: “Le théâtre est le désordre incarné et pour faire l’éloge du théâtre il faut commencer par faire l’éloge du désordre.” Julien Monteiro Da Silva
Sur les quais de Vârânasî, les morts brûlent pour reprendre vie © Julien Monteiro Da Silva