« Soyons utopistes, parlons de la paix »

« Soyons utopistes, parlons de la paix »

Le festival du Livre de Mouans-Sartoux s’apprête à célébrer sa 36e édition sur le thème : Dessine-moi la paix. Sous le commissariat de Marie-Louise Gourdon, plusieurs milliers d’amateurs de littérature et de débats sont attendus du 6 au 8 octobre 2023.

Le Festival du livre de Mouans-Sartoux, ce sont des milliers de livres, des films, des spectacles, des concerts, des animations jeunesse, des expositions… Ce sont aussi des rencontres et plus d’une centaine de débats et entretiens avec plus de 300 invité.e.s, des lectures, une scène littéraire très animée, des ateliers créatifs… Bref, c’est un bouillon de culture à découvrir gratuitement (hors quelques spectacles) ! Le festival est aujourd’hui l’un des plus importants événements du genre en France. Et c’est en partie grâce Marie-Louise Gourdon, commissaire historique de la manifestation, qui œuvre depuis trois décennies avec passion et une vision humaniste du monde, sensible aux enjeux environnementaux et aux grands sujets de société. À quelques jours de l’ouverture, nous l’avons rencontrée pour évoquer les temps forts et les nouveautés de cette nouvelle édition.

Dessine-moi la paix est le thème de cette 36e édition. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?

Je pense qu’on est dans une période où l’on est tous très angoissés quand on parle ce qui se passe de près ou de loin. Les jeunes notamment ont cette angoisse du réchauffement climatique, certainement encore plus que les adultes. Les guerres aussi, la question des migrants qui se noient en Méditerranée, tout ça… Et l’Ukraine, bien sûr. L’Arménie aussi. Il y a pas mal de sujets qui créent beaucoup d’anxiété. Cette année, je me suis dit : « Soyons utopistes, parlons de la paix« . Il faut que ce mot arrive un peu dans la tête des gens. Quand j’ai commencé à parler du thème, effectivement, les gens m’ont dit : « Ça fait du bien d’entendre parler de la paix« . Je me suis dit que ça avait un petit côté thérapeutique. 

Mais attention, on est complètement lucides sur tout ça. L’idée, c’est de trouver des solutions comme toujours, pas seulement de dire : « ça va mal, c’est terrible tout ce qui nous arrive« . Ça, maintenant, on le sait. Maintenant, ce qu’il faut, c’est voir comment on peut travailler pour un avenir meilleur que celui qu’on peut imaginer si on se laisse envahir par toutes ces informations négatives bien réelles. Mais on est là pour vivre et on est là pour surmonter tout ça. C’est un peu l’idée du festival, faire rencontrer des gens qui aussi ont des paroles d’espoir. Quand j’invite Camille Étienne qui parle d’un soulèvement collectif, ça ne fait pas plaisir à tout le monde ce mot, mais pour moi, c’est fondamental de l’entendre. Les jeunes se manifestent pour parler de leur présent et leur avenir. Même si c’est acquis qu’on vivra moins bien dans le futur… 

LA STRADA À MOUANS-SARTOUX
La Strada vous attend sur son stand – Gymnase de la Chênaie, Espace A, Stand 011 – à l’occasion du Festival du Livre de Mouans Sartoux, du 6 au 8 octobre. Vous y trouverez une partie de l’équipe, des auteurs, des éditeurs d’ouvrages littéraires et de disques… et du temps pour échanger ! Ils ont aimé et reviennent… Didier Balducci, alias Memphis Mao, guitariste des Dum Dum Boys, sera représenté par son label Mono Tone Records, qui réédite des groupes mythiques de rock, en produit de nouveaux, et publie des livres qui font sa légende comme Tourisme parallèle. Beaucoup de coups productions, label niçois atypique, y présentera ses productions. Dans ce registre, vous pourrez aussi découvrir la programmation musicale de la salle de musique actuelle indépendante : l’Altherax. Eh oui, il est possible de créer un espace en toute liberté, et de le faire tourner pour que vive une musique débridée sans diktat institutionnel ou… politique ! Mo Rezkallah, qui décrit des mondes surréalistes et violents, avec une poésie crue, sera présent. Sa trilogie sur le quartier des Moulins l’a propulsé sur le devant de la scène underground. La rue est aussi un creuset de talents pour cette nouvelle composante des arts urbains : la littérature. Laurence Fey, journaliste, écrivaine (publiée chez Fayard, First éditions, Audacia éditions et Bayard jeunesse), doctorante en littérature, et surtout pigiste émérite de La Strada, présentera une actualité double : côté jeunesse, un recueil de contes de Noël, avec l’une de ses histoires, Le plus beau jouet du monde, déjà traduit en anglais, néerlandais et chinois ; côté littérature, la réédition du Traité de la vie élégante de Balzac, avec son texte critique (postface). Venez aussi découvrir Commune histoire, premier opus de la Collection Pistes éditée par La Storia, en présence de son auteur Christophe Juan, autre pilier de la rédaction de La Strada. Ils nous rejoignent cette année… Nous invitons une partie des auteurs des Éditions Au Pays Rêvé sur notre stand, et accueillerons une icône de l’art et de la féminité, grande amoureuse et femme libre : Hélène Jourdan-Gassin, qui fut la créatrice de la seule foire de l’Art Contemporain azuréenne. Elle dédicacera en primeur son dernier roman Tu reviens quand ? Nous vous attendons ! Ce Festival du Livre n’est-il pas l’endroit rêvé pour échanger avec nos lecteurs !

Parler de paix implique d’évoquer la guerre. Quelle place occuperont l’Ukraine et l’Arménie, qui font l’actualité ?

On ne va pas raconter la guerre en Ukraine, ou ce qu’il se passe en Arménie, ce n’est pas le but. On allume la télé, on a les infos qu’on choisit d’avoir. L’idée, c’est d’inviter des gens qui sont sur le terrain ou qui y vont régulièrement, et qui nous disent comment on raconte la guerre. J’ai plutôt choisi l’axe : comment, aujourd’hui, raconte-t-on une guerre en train de se faire ? C’est-à-dire comment est transmise l’information, avec tout ce qu’on sait des bonnes et des mauvaises nouvelles, des infos justes et des fausses. Ce qu’on veut, c’est avoir des avis de gens qui sont réellement sur le terrain, des grands reporteurs et reportrices qui vont nous parler de cette question. 

On abordera aussi l’Iran et l’Afghanistan, au travers des femmes. D’ailleurs, on crée l’événement avec le rendez-vous Femmes, vie, liberté (7 oct 17h), qui sera festif et grave à la fois. Festif comme la révolution en cours en Iran, avec la compagnie de danse Pieds nus, les musiciens Miquèu Montanaro et Cyril Cianciolo, la chanteuse Hura Mirshekari, mais aussi des lectures en musique de la poète afghane Somaia Ramish, ou encore des prises de paroles de Pinar Selek et Shoukria Haïdar. J’ai aussi demandé à Tahar Ben Jelloun, pour avoir une voix masculine. Mais avec ce qu’il s’est passé au Maroc ces dernières semaines, on verra… 

L’écrivaine iranienne Aliyeh Ataei sera d’ailleurs présidente…

Oui, on a choisi Aliyeh Ataei comme présidente, car, symboliquement, elle est née à la frontière entre l’Iran et l’Afghanistan. Elle est des deux côtés. Elle a beaucoup de choses à dire. Tout comme Pinar Selek, qui continue de se battre pour la liberté. Son procès aura lieu ces jours-ci d’ailleurs (ndlr: à l’heure où nous écrivons ces lignes, nous ne connaissons pas encore le verdict). On aura d’autres femmes qui parleront de l’Iran également, et de l’Afghanistan, comme Shoukria Haïdar, présidente de l’association Negar (soutien aux femmes afghanes). D’ailleurs, ces deux femmes participeront aussi au débat Femmes face à l’obscurantisme, qui suivra la projection du film Afghanistan, le vrai visage des talibans (8 oct 10h30). En fait, on n’a pas mis les noms de tous les invités dans le programme, certaines ne veulent pas indiquer qu’elles seront présentes à Mouans-Sartoux, car elles pourraient faire l’objet de menaces ou ne plus obtenir de visas…

C’est vraiment une manifestation en soutien à ces femmes extrêmement courageuses qui se battent dans cette Révolution iranienne. En Afghanistan, c’est encore pire, si l’on doit mettre un curseur quelque part dans le pire. N’empêche qu’elles seront là, les femmes afghanes, pour dire ce qu’il se passe dans leur pays aujourd’hui. On ne doit pas fermer les yeux sur quelque chose qui paraît encore plus lointain que l’Ukraine. Vous savez, parfois on entend ce raisonnement : « On ne peut rien faire ! » Mais on ne peut pas oublier ces femmes traitées comme des êtres non-humains. Donc, il faut en parler ! Vous savez, dans un festival du livre, les gens ne viennent pas forcément pour ça, mais du coup, ils entendent ce qui peut se dire lors des rencontres, des débats. L’idée est de sortir du cercle des « gens qui savent », qui sont au courant, c’est faire entendre un certain nombre de messages à des gens qui sont parfois loin de tout ça. Mais bon, parfois, on peut les comprendre aussi…

Il y a aussi un Président, Akira Mizubayashi…

Oui, c’est un auteur japonais. Pour moi, ça a été un peu la découverte de l’année. Ce n’est pas un nouveau venu, il a écrit plusieurs livres, mais quand j’ai lu son roman Âme brisée, j’ai pleuré… Je suis sensible, c’est sûr, mais je n’avais jusqu’à ce jour jamais pleuré en lisant un livre. Alors je me suis dit : « Celui-là, un jour, il faudra qu’il vienne« . Et quand j’ai regardé la sortie des livres de la rentrée Gallimard, et que j’ai vu son ouvrage Suite inoubliable, je lui ai écrit un mail direct : « Je viens de finir votre livre. J’ai pleuré. Il faut que vous veniez au festival. » Il m’a répondu de suite : « D’accord, je viens. » Voilà, comment ça s’est fait ! (rires)  

PARMI LES 300 INVITÉS…
Thomas Fersen, Marek Halter, Boris Cyrulnik, Cyril Dion, Camille Étienne, Hubert Védrine, Karine Giebel, Ian Manook, Marc Jolivet, Edmond Baudoin, Agnès Ledig, Éric Reinhardt, Francis Hallé, Florence Hinckel, Christophe Alévêque, Gilles Kepel , Hippolyte Girardot, Delphine Giraud, Jean-Michel Ribes, Guillaume Néry, Ernest Pignon-Ernest, Davide Cali, Edwy Plenel, Christine Ockrent, Pinar Selek, Philippe Meirieu, Adeline Dieudonné, Vincent Cuvellier, Philippe Cardona, Vanrah, Olivier Dutto, James Christ, Anne Goscinny, Romain Puertolas, Mo Malo, Marc André Selosse, Jacques Ferrandez, Gérard Chaliand, Anaïd Demir, Omar Youssef Souleimane, Jean Viard, Renée Frigosi, Jean-François Bouthors, Nathalie Castagné, Éric Lagadec, Alain Amiel, Catherine Poulain, Carole Vanni, Marie-Jeanne Trouchaud, Sophie Rabhi-Bouquet, Patrick de Saint Exupéry, Patrick Quillier, Claude Ardid, Béatrice Barbusse, Maryna Kumeda, Stéphanie Perez, Lauriane Galtier, Leonore Confino… • Éditeur invité d’honneur : Gallimard • Éditeur Coup de cœur : Le Tripode

Vous évoquiez la venue de l’activiste Camille Étienne. Femme, militante écologiste, elle fait le lien entre différentes des thématiques historiques du festival et a fait l’actu avec le collectif Les Soulèvements de la Terre. Elle présentera son film Pourquoi on se bat, le 7 octobre à 14h.

Pour nous, son film est emblématique, c’est un très bon support de discussion. Elle évoquera pourquoi elle a fait ce film, pourquoi elle se bat, pourquoi elle invite tout le monde à se battre pour que notre présent et notre avenir soient moins dramatiques que ce qui est envisagé. Parce qu’on est quand même dans des perspectives climatiques assez graves. On le présentera aussi à nos jeunes, dans le cadre du vaste programme pour les enfants, et à destination des collèges et lycées. Ça fera partie des choses dont on va parler avec les jeunes. 

À l’instar de la thématique de l’eau ? 

Évidemment. Quelle est la question du climat aujourd’hui ? C’est celle du dérèglement, qui entraîne évidemment des questions d’eau et de sécheresse. On est dedans. Cela fait un moment, dans le festival, qu’on parle des questions de réchauffement… Mais vous savez, les Cassandre ne sont pas toujours bien accueillies… On a beaucoup parlé de ce réchauffement climatique qui allait nous tomber dessus et aujourd’hui, on n’a plus besoin de le faire. Je crois que les gens ont compris. Ils l’admettent ou non, mais on sait qu’on est dans une période de dérèglement. Pourquoi fait-on ce festival ? C’est pour une prise de conscience. On sait qu’il y a un réchauffement climatique, maintenant, qu’est-ce qu’on fait avec ça ? Comment s’adapte-t-on ? Comment prévoit-on ? Pour moi, cette année, il y avait deux problématiques fondamentales : l’eau et les arbres. Si on veut survivre sur cette planète, ce sont deux éléments essentiels. Sans eau, il n’y a pas d’arbres, et inversement. Donc, c’est cette question du partage de l’eau qui va se poser très crûment. On est, ici encore, dans une histoire de guerre et de paix, qui va se poser rapidement. C’est une question qu’on va notamment se va poser localement, parce qu’ici, on est déjà complètement dans le sujet.

Un film a d’ailleurs été tourné dans le Var sur cette question…

Oui, c’est Le Partage de l’eau qu’on projettera en présence du réalisateur Éric Blanco, et de quelques maires des communes touchées par cette problématique (7 oct 10h30). Il y aura le maire de Mouans-Sartoux, Pierre Aschieri, puisque pour nous, la question de l’eau est sensible. Tant qu’il y a de l’eau dans les sources, on peut gérer la ressource. Tant qu’il y a de l’eau, on peut gérer l’économie. Mais dans le cas contraire… Il y aura aussi le maire d’Aiglun, Anthony Salomone, dans le Haut Pays, qui dessert toute la Côte. Donc, c’est ça aussi, le partage de l’eau. Mais, du coup, eux n’en ont plus… Jean-Marc Gambaudo, qui coordonne l’Observatoire de l’eau du département, interviendra également. Bref, des gens qui ont les mains dedans, qui peuvent parler concrètement. Il ne s’agit pas de parler à l’autre bout de la planète. On peut se poser ces questions au niveau mondial, bien entendu, mais localement, on est déjà touchés. On est déjà dedans. 

Et la question des arbres va avec. On voit bien que les arbres meurent à cause de la sécheresse et des incendies énormes qui brûlent des millions d’hectares. Tout est lié ! C’est pour ça qu’on a besoin de se poser un peu et de se demander ce qui est vraiment important aujourd’hui, ce sur quoi il faut absolument intervenir, et se donner un peu de prise sur ces événements. On invite quelques spécialistes de la question, comme Francis Hallé (conférence Pour une forêt primaire en Europe, 8 oct 16h), ou Marc-André Selosse (débat L’origine du monde, une histoire naturelle, 7 oct 16h) qui vont parler de la forêt, du sol, de l’eau…

On aura aussi le plongeur Guillaume Néry, qui a publié le livre Nature aquatique (entretien 8 oct 16h). Il a une vision écologiste du monde. Alors, ici, il ne va pas parler de l’eau, mais de sa vision de la nature sous l’eau. C’est un gars vraiment intéressant. Puis on projettera le film Les algues vertes de Pierre Jolivet (7 oct 18h30). Là, on sera en Bretagne, mais ça chauffe aussi. C’est à propos de gens qui se battent, qui proposent des idées, des solutions et qui ne restent pas à se dire : « On ne peut rien faire« .  En fait, on fait un festival « anti-on-ne-peut-rien-faire », qui observe le monde avec lucidité, mais garde un optimisme raisonné.

L’idée de résistance est fondamentale dans le festival. L’an dernier, vous receviez Alain Damasio, pour qui le concept de résistance poétique est essentiel. Et cette année, vous proposez, le 8 octobre à 14h30, le spectacle Résistance poétique, avec Sébastien Hogue et Cyril Dion. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Cyril Dion a constitué un recueil de poésie, Résistance poétique, auquel il a adjoint la musique de Sébastien Hogue. Je pense que ce spectacle de poésie musicale contient en lui-même un débat, qui aura d’ailleurs lieu à l’issue du concert. La résistance peut très bien se faire par la poésie ! L’engagement de Cyril Dion est total depuis toujours, dans l’écologie, dans le climat, dans tout ce qu’il a fait jusqu’à présent. Et aujourd’hui, il lui donne une autre forme. Certains le désignent comme activiste, mais je n’aime pas ce mot. C’est militant pour moi. Un militant engagé, un musicien, un auteur, un poète. Et il fait du cinéma, bien sûr. Ses films ont connu un succès extraordinaire. En fait, ce type est un ”multiartiste ». 

PRIX DU LIVRE ENGAGÉ POUR LA PLANÈTE
Depuis sa création, le Festival du Livre de Mouans-Sartoux a pour fils conducteurs l’écologie et l’humanisme. Fort de ces valeurs et dans un contexte où l’urgence climatique touche les consciences et conditionne le débat public, le Prix du livre engagé pour la planète récompense chaque année des ouvrages qui, d’une manière ou l’autre, sensibilise le public aux questions liées à l’écologie, à l’avenir de la Terre, à la biodiversité, à la pollution… Placée sous la présidence de la romancière Agnès Ledig, cette 4e édition a récompensés, dans 6 catégories, les auteurs suivants. Parmi eux, Camille Étienne et Marie-Anne Abesdris seront présents à Mouans-Sartoux cette année.
[Roman] Clara Arnaud, Et vous passerez comme des vents fous (Actes Sud)
[Essai] Camille Étienne, Pour un soulèvement écologique (Seuil)
[Roman jeunesse] Charles Mazarguil, Waterbacks : Que serais-tu prêt à faire pour avoir de l’eau ? (Slalom)
[BD] Max de Radiguès & Hugo Piette, Eddie et Noé : Plus chauds que le climat ! (Sarbacane)
[Album jeunesse] Marie-Anne Abesdris, Monsieur Mercure et moi (Frimousse)
[Mention spéciale démarche originale] Céline Curiol, Invasives (Actes Sud)

Comme le rendez-vous Femmes, vie, liberté, ce concert poétique n’est que l’un des nombreux spectacles au programme du festival !

Oui, on aime bien que le festival soit foisonnant et que tout nous conduise à comprendre le monde, à comprendre les gens. C’est vraiment ça l’idée. Par le spectacle, on arrive à pas mal de choses. En ouverture, on reçoit Thomas Fersen (5 oct 20h). C’est un peu comme un cadeau ! Il a écrit un livre, Dieu sur Terre, où il parle de son frère. On aura aussi l’Orchestre national de Cannes qui va présenter un concert intitulé Illuminations, d’après des poèmes d’Arthur Rimbaud, avec les élèves-comédiens de l’ERAC de Cannes (6 oct 19h). On reçoit aussi une création spéciale pour le festival ! C’est une bande d’amis que vous connaissez sûrement, Edmond Beaudoin et Miqueu Montanaro, accompagnés de la danseuse Carol Vanni, que l’on connaît moins. Avec eux, nous sommes venus à l’idée de faire un concert chanté, dessiné et dansé. Ça s’appelle Viatges (6 oct 20h30). Ils sont en train de se préparer, il va se passer quelque chose là. Ce sera très riche d’art et d’amitié ! Je suis très heureuse de ça parce que ça correspond bien à notre état d’esprit. 

On a beaucoup d’échanges avec tous ceux qui participent, tous ceux qui viennent. On n’est pas dans du consumérisme, on est à l’opposé de ça. Beaucoup de gens viennent au festival parce qu’il y a un état d’esprit qui leur convient, parce qu’il y a de l’engagement, de la fidélité, de l’amitié… Et ça se ressent, car les gens nous renvoient ça ensuite. On travaille aussi avec toutes les scènes du département : le Théâtre National de Nice, le Théâtre de Grasse, Scène55 à Mougins, le Forum Jacques Prévert à Carros, le Théâtre de la Licorne à Cannes, Anthéa à Antibes. Tout ce qui produit de l’art, des concerts, des spectacles, etc., est présent au festival. Et ils nous offrent tous un ou deux spectacles, qu’on offre ensuite au public, littéralement. On n’aurait pas les moyens de payer tout ça, vous imaginez bien. Par contre, on a une richesse de partenariats qui est énorme et nous permet d’offrir tout ça !

Vous portez également une attention particulière sur la jeunesse et les scolaires, avec un programme et une affiche spécialement dédiés…

C’est sûr. Je crois qu’on a commencé à faire des animations jeunesse à la 3e édition On en est à la 36e. Ce fut progressif, chaque année de plus en plus important. Aujourd’hui, on touche peut-être 7 000 jeunes ! On est encore en train de faire les inscriptions, mais c’est colossal. Pour moi, qui suis professeure de français à la base, j’ai vraiment pour objectif de passer, de transmettre. Le festival est complètement là-dedans. C’est-à-dire que, dès la maternelle, on veut inculquer aux enfants le virus de la lecture, du livre, de l’écoute, du spectacle. On veut que les enfants aient cette possibilité de venir rencontrer des auteurs, de voir des spectacles, d’avoir des livres dans les mains. Vous savez, si vous ne leur donnez que des tablettes et des téléphones, c’est compliqué… Mais offrez-leur une alternative et vous verrez que ça fonctionne. Ils peuvent très bien avoir les deux. Il y a parfois des familles où les enfants ne voient jamais un livre. Mais une fois qu’ils ont découvert les albums jeunesse, je peux vous dire que c’est marquant. Après, c’est aux parents de continuer le travail, de les amener à la bibliothèque, à la librairie, de poursuivre cette « mise en bouche ». 

Et cette année, on agrandit encore l’espace dédié à la jeunesse, aux ados et à la BD, avec 1000 m2 pour près d’une quarantaine d’auteurs (ndlr: dont Marie-Anne Abesdris, auteure de Monsieur Mercure et moi, récompensée par le Prix du livre engagé pour la planète, dans la catégorie Album jeunesse), une trentaine d’éditeurs et trois libraires. Et là, on reçoit Tardi ! Ça faisait longtemps qu’on voulait l’inviter. On projettera un film avec lui, et en présence du réalisateur et de la scénariste Dominique Grange, une chanteuse engagée de Mai 68. N’effacez pas vos traces, c’est ce qu’ils ont voulu dire avec ce film. C’est un retour sur l’année 68 et les suivantes. Et c’est donc Tardi qui a fait la BD qui a servi de support. Ça va être un moment rare !

Un petit mot sur le Bistrot des Auteurs, nouveauté de cette édition ? 

Le Bistrot des Auteurs, c’est une autre façon de mettre en valeur nos invités. On avait déjà les scènes littéraires où se tient la majorité des rencontres. Là, il y a des interviews tous les quarts d’heure, de manière dynamique, rapide. Le tout filmé et retransmis sur Facebook par le BTS Audiovisuel Carnot. Quant aux débats, ils se tiennent au cinéma La Strada. Mais ce Bistrot des Auteurs est une version plus intime, où on peut avoir une trentaine de personnes face à l’auteur. Ça se déroulera dans deux restaurants de Mouans-Sartoux, bien placés, Le Café La Terrasse et La Cantina, qui ont mis à disposition leurs salles, entre deux services. 

En résumé, le programme est gargantuesque !

C’est vrai ! (rires) D’ailleurs, quand on fait le programme, on se dit : « Mon Dieu, où va-t-on mettre tout ça ? » Mais vous ne pouvez pas imaginer comme c’est génial. On a l’impression de faire quelque chose de bien, d’utile, qui apporte.

COUP DE COEUR POUR KINDERSFABRIK
Frédéric Bruant-Reacker, auteur franco-suisse né en 1959 en Champagne, présentera son dernier roman à Mouans-Sartoux. Sa passion pour la littérature lui est venue en étudiant les langues étrangères à la faculté de lettres de Grenoble III. Son regard critique, au fil d’une vie professionnelle aux qualifications multiples, l’a conduit à publier 3 romans : Finisterra (2015), U-1889 (2017), et donc Kindersfabrik (2023), qui vient de sortir aux éditions Ovadia. Ce roman policier vous mènera sur des rivages étranges qui rappellent certains opus de Millenium, car il y est question d’eugénisme mis en place par les nazis avec des ramifications contemporaines inattendues. Le pitch : un jeune ingénieur a le coup de foudre pour une jeune fille qu’il doit rejoindre quelques jours après leur rencontre. Il n’arrivera jamais, car les gendarmes retrouveront sa voiture vide sur un chemin forestier et sa compagne sauvagement assassinée à son domicile lyonnais. Tandis qu’à Paris plusieurs jeunes femmes d’Europe de l’Est se volatilisent après leur passage dans une agence de mannequins. C’est un enquêteur de la brigade de Lyon qui mènera l’enquête et le conduira à Rio de Janeiro, dans une luxueuse clinique spécialisée en gynécologie puis au cœur de la forêt amazonienne. Décidément notre région est un véritable creuset pour le polar !
Kindersfabrik de Frédéric Bruant-Reacker (éditions Ovadia)

5 au 8 oct, Mouans-Sartoux. Rens: lefestivaldulivre.fr

photo: Marie-Louise Gourdon lors de l’édition 2022 © FB Festival du Livre de Mouans-Sartoux