
31 Oct Pas d’Hamlet sans casser des œufs
Shakespeare a inspiré à Nathalie Garraud et Olivier Saccomano Un Hamlet de moins et Institut Ophélie, diptyque qui transpose dans le monde contemporain ces deux figures mythiques du 6e Art. L’idée : déconstruire le récit fondateur pour en donner un éclairage nouveau. À découvrir au Carré Sainte-Maxime en novembre.
Hamlet est un peu une histoire sans fin. Une histoire dont on ne connait pas vraiment l’origine non plus d’ailleurs… Avant même que Shakespeare lui-même ne s’attaque à l’écriture de ce mythe au début du 17e siècle, d’autres avant lui s’y frotteront et d’innombrables auteurs tenteront par la suite de l’adapter. Aussi, lorsque Nathalie Garraud et Olivier Saccomano se lancent dans l’écriture de ce diptyque, ils s’attaquent – plus qu’à un monument – à une œuvre qui constitue en quelque sorte LE paradigme du théâtre occidental !
Pour rappel, il y est question du prince – d’un royaume du Danemark où tout y est aussi pourri que dans la plupart des gouvernements actuels – qui veut venger son Roi de père, froidement assassiné par un Tonton ambitieux, lequel pour arriver à ses fins, simulera la folie… Sauf qu’ici, nous n’avons pas affaire à une énième adaptation, mais plutôt à une expérience humaine, une étude centrée sur 4 des personnages de la pièce originale, vieux ados de plus de 400 ans – en ce qui concerne le premier volet : Hamlet, fils du Roi assassiné ; son amoureuse, Ophélie, fille du conseiller de son père ; Laërte, son frère ; et Horatio, son pote philosophe. L’idée étant de faire ressortir les motifs essentiels qui tissent la tragédie originale : l’obscénité, l’imitation et l’oubli. Si le fil rouge est maintenu avec le texte originel, la pièce prend la forme d’une farce portée par un vent de révolte : sans parents ni roi, les personnages ne veulent plus jouer Un Hamlet de plus. Autour d’un escalier en bois qu’ils ne cessent d’arpenter, coincés entre l’Ancien Monde et le ”Monde d’après », ils picolent, écoutent de la musique, éprouvent les visages contemporains du pouvoir, et s’interrogent : « Tu préfères être ou ne pas être ? » Être celui que la société veut que tu sois ou lui adresser un majeur levé ? Car telle est toujours la question au 21e siècle…
Dans ce même mouvement, le duo d’auteurs a choisi d’extraire le personnage symbolisant la figure de femmes archétypales qui ont par la suite traversé les siècles (Virginia Woolf, Rosa Luxembourg, Camille Claudel, Marylin Monroe…). Car lorsque Ophélie prend la parole à l’acte IV d’Hamlet, la jeune femme engloutit tout un monde avec elle. Et cet Institut Ophélie, tout en conservant la parole hallucinée du personnage, est une manière d’explorer les mécanismes d’oppression patriarcale qui pèsent aujourd’hui encore sur les femmes. Sur scène, telle une cheffe d’orchestre-prêtresse qui voudrait tout dynamiter, une certaine Jeanne – émanation moderne d’Ophélie – donne alors vie à une succession de tableaux comme autant de réflexions : de l’avortement au combat politique, en passant par le domestique. Avec, toujours, en toile de fond, des hommes qui, eux, veulent les faire rentrer dans le rang lorsqu’elles osent en sortir.
Un Hamlet de moins, 22 nov 20h30 • Institut Ophélie, 25 nov 20h30. Carré Sainte-Maxime. Rens: carre-sainte-maxime.fr
photo: Un Hamlet de moins © Jean-Louis Fernandez