31 Oct Un Monte-Carlo Jazz Festival en panoramique
Des noms les plus célèbres, comme Marcus Miller ou Keziah Jones, aux jeunes talents émergents, le Monte-Carlo Jazz Festival propose, du 17 novembre au 2 décembre, un panorama étourdissant du jazz d’aujourd’hui.
Une fois encore, le Monte-Carlo Jazz Festival nous offre, dans cet écrin délicieux qu’est l’opéra Garnier de la Principauté de Monaco, un éventail très divers et très contrasté de ce que le jazz propose en France et ailleurs.
La classe américaine
Avec d’abord une programmation américaine qui se souvient de l’origine de cette musique. Ron Carter, premier nommé, évoque à lui seul la longue histoire du jazz. Bien-sûr on se rappelle sa longue collaboration avec Miles Davis, sans oublier toute une carrière de leader à la contrebasse (et plus rarement au violoncelle). Sa modestie, son lyrisme pudique et vibrant, son impeccable cadence en font un glorieux étendard de cette musique. Et dans son quartet, où l’on note la présence de la formidable Renée Rosnes au piano, il invite une autre légende de la basse (électrique cette fois), un autre compagnon de Miles : Marcus Miller.
Autres héros de la scène américaine, représentants de cette grande époque de « fusion » un peu oubliée aujourd’hui, deux batteurs éclatants : Billy Cobham et Steve Gadd – lui aussi accompagné par un joueur de clavier et organiste exceptionnel, Larry Goldings, qu’on voit si peu en Europe ! Et pour se souvenir une fois encore de celui qui incarne le jazz tous styles confondus, on a le cinéma : Bird, ce film de Clint Eastwood, puzzle éclaté de la vie de Charlie Parker. Comme l’affirmait un célèbre graffiti new yorkais, Bird lives !
De grands noms européens
Pour l’Europe du jazz, on pourra entendre l’un de ses ambassadeurs les plus singuliers et les plus représentatifs, le Norvégien Jan Garbarek : un son unique au saxophone ténor, un vibrato large qui parfois se fige en plein vol et qu’on a associé (parfois un peu vite) à toute une mythologie scandinave du jazz, magnifié à la fois par ses enregistrements pour la firme ECM et sa collaboration avec Keith Jarrett… Lui aussi est un musicien qu’on entend trop rarement, et lui aussi viendra accompagné d’une autre figure mythique, Trilok Gurtu, virtuose indien des percussions, en particulier des tablas.
Ces associations de stars se poursuivent avec Pianoforte. Ceux-là ont déjà largement rodé leur jonglerie : quatre pianistes, quatre pianos et quatre claviers électroniques, et à chaque morceau, on tourne, on alterne, on teste un équilibre différent. Bojan Z, Baptiste Trotignon, Éric Legnini, Pierre de Bethmann sont des improvisateurs très connus en France, associés dans cet ensemble audacieux. Les fonctions essentielles du jazz – rythmes, harmonies, improvisation mélodique… – sont redistribuées à chaque morceau avec un peu d’expérience et beaucoup de risques partagés : un nouveau kaléidoscope apparait à chaque morceau, à quatre, à trois ou à deux…
Suivez la voix…
Les voix sont présentes aussi, à commencer par celle de Keziah Jones qui porte la fragilité et la force de l’Afrique urbaine contemporaine. Derrière lui, on entend autant la sophistication des sons électroniques d’aujourd’hui, maitrisés, mixés, raffinés par toute une technologie, que la guitare de fortune bricolée avec deux bouts de bois et des câbles de freins recyclés ! Et sa façon de chanter porte cette même oscillation : toute l’ambivalence d’un continent contradictoire qui inquiète, protège et se moque…
Quelques voix féminines seront là également : Macy Gray, pour la soul, en est une bonne représentante. On aura le blues à mi-voix de Dominique Fils-Aimé, montréalaise qui se souvient d’Haïti : un parler-chanter émouvant, presque impudique dans ses chuchotements. Et Jeanne Added ! Comment savoir ce qu’elle fera quand elle se renouvelle tous les six mois ? Elle qui tentait le jazz le plus improvisé alors qu’elle chantait encore Schubert au Conservatoire de Paris, elle qui, quelques années plus tard, se lançait dans un rock au doux vertige alors que tous les jazzmen s’arrachaient son concours, elle, dont la voix funambule danse chaque jour sur une corde nouvelle ! Autant de bonnes raisons pour ne pas la rater.
Et puisqu’on parle de voix, on peut se demander si on entendra celle de Thomas de Pourquery… Probablement, même si ce crooneur suave a abordé là une deuxième carrière, puisqu’il avait commencé comme saxophoniste, compositeur, accessoirement ré-arrangeur de la musique de Sun Râ dont il partage la folie imprévisible. C’est en tout cas l’une des voix les plus intéressantes du jazz français contemporain, de même que Léon Phal, passionnant défricheur de la dernière génération.
En parallèle du festival, on pourra profiter, le 1er décembre, de l’association d’Angélique Kidjo et de Yo-Yo Ma. Est-ce une provocation ? Elle et lui se connaissent et ont déjà ré-exploré le Boléro de Ravel et détourné quelques autres classiques : ces deux-là nous promettent en tout cas une Sarabande africaine. Un festival riche en surprise donc, dont chaque soirée peut être commencée à l’avance ou terminée fort tard dans la nuit dans quelques lieux propices aux bœufs imprévus, au Bar de la Rotonde ou à celui de l’Hermitage.
17 nov au 2 déc, Opéra Garnier, Monaco. Rens: montecarlolive.com
photo: 1er Monte-Carlo Jazz Fesitval, 2006 © Monte-Carlo SBM