30 Jan Comme un parfum d’Arménie
Premier d’une série d’événements qui se dérouleront en 2024 à Cannes, la Semaine de la culture arménienne se tiendra du 3 au 11 février. L’occasion de soutenir un pays menacé d’effacement historique, géographique et culturel par l’Azerbaïdjan.
« Il faut tout reconstruire et repartir de zéro. Tout cela s’est déroulé sous le regard du monde, sans que personne n’en parle ou très peu… » Ces mots sont ceux du photoreporter Alexis Pazoumian, qui a témoigné pour Konbini sur la situation dans le Haut-Karabakh, « une région contestée et enclavée du Caucase du Sud qui a connu près de trente ans de conflits entre l’Arménie (dont le Haut-Karabagh était une ancienne province) et l’Azerbaïdjan« . Arménien d’origine, il estime que le Monde a quelque peu mis de côté ce conflit, au regard des échos donnés à l’Ukraine et à Israël. Voilà pourquoi, à bien des égards, on peut saluer l’initiative de la ville de Cannes qui, à travers une série d’événements culturels qui jalonneront l’année 2024, joue aussi un rôle de sensibilisation auprès du grand public. Ces manifestations ont pour objectifs de célébrer les liens historiques qui unissent la ville et le peuple arménien, et de valoriser l’histoire et le patrimoine de cette ancienne république soviétique, située dans la région montagneuse du Caucase, à cheval entre Asie et Europe.
Le coup d’envoi des festivités, qui mêleront tradition et modernité, sera donné du 3 au 11 février, avec un premier temps fort : la Semaine de la culture arménienne. Une soirée inaugurale permettra, après un moment musical et convivial en compagnie du pianiste André Manoukian, de mettre à jour ses connaissances sur le drame humanitaire qui se joue en Arménie lors d’une table ronde, avec Jean-Christophe Buisson (directeur adjoint Figaro magazine), Tigrane Yegavian (journaliste en géopolitique et essayiste), Antoine Agoudjian (reporter-photographe) et Gérard Hovakimian (modérateur).
Puis de nombreuses disciplines artistiques illustreront le riche héritage culturel arménien : la danse avec l’Ensemble Araxe, la musique traditionnelle avec l’Ensemble Keram, le théâtre avec un seule en scène de Corinne Zarzavatdjian, le 7e Art avec une programmation imaginée par Cannes Cinéma (masterclass et projections, avec notamment Robert Guédiguian en vedette), ou encore la photographie avec une exposition d’Antoine Agoudjian, auteur de l’ouvrage Le cri du silence. Le Musée des explorations du monde exposera pour sa part un rare manuscrit illustré daté des XVIIe-XVIIIe siècles, rédigé en langue turque mais en caractères arméniens. Unique au monde selon un spécialiste, il constituerait la base d’un jeu voisin du jeu de l’oie ; une copie sera d’ailleurs présentée durant le Festival International des Jeux de Cannes. Autre moment fort, la lecture théâtralisée, par les élèves du Conservatoire de Cannes, du témoignage vivant de Mania, petite-fille rescapée du génocide de 1915 : Lève-toi, pars, n’aie pas peur…
L’acmé de cette semaine sera très probablement le concert Aznavour Classique que donnera l’Orchestre national de Cannes, dirigé pour l’occasion par Philippe Béran, le 4 février. En compagnie du pianiste Éric Berchot, et de la belle-fille du chanteur, Kristina Aznavour, au chant, la phalange azuréenne interprétera des suites orchestrales arrangées à partir des plus célèbres chansons de l’auteur-compositeur-interprète-comédien franco-arménien décédé en 2018, et qui fut fait citoyen d’honneur de la ville en 2005.
En faisant ainsi rayonner la culture arménienne, Cannes démontre sa solidarité envers un peuple une nouvelle fois meurtri, tout en célébrant une histoire commune transcendant les frontières.
3 au 11 fév, lieux divers, Cannes. Rens : cannes.com
photo : Kristina Aznavour © DR