30 Jan Qui est qui ?
En parallèle de la programmation officielle du Théâtre Françis Gag, qui propose prochainement de redécouvrir Vieilles de Candice Gatticchi (Prix du jury du Festival de Créations de Nice en 2023), l’établissement accueille ponctuellement des spectacles plus confidentiels, tel ce Falsostaff de Loïc Langlais.
Dans l’écriture de ses pièces, Loïc Langlais s’attache particulièrement cerner cette ambiguïté dans la relation que l’acteur entretient avec le personnage qu’il est censé incarner. Tour à tour interprétant celui-ci avec lucidité ou détachement comme l’exprime Diderot dans son Paradoxe sur le comédien, voici que ce personnage lui échappe, ou plus précisément que le comédien, en amont de la pièce, se rebelle contre lui et, qu’avant le lever de rideau, il interpelle son double. Emprunté à Shakespeare dans son Henry IV, Falstaff est ce personnage truculent, menteur, tricheur, séducteur et bon vivant dont l’artiste doit endosser le rôle. C’est alors ce conflit qui se noue au travers d’un monologue entrecoupé de jeux scéniques par lesquels l’acteur se trouve pris au piège entre l’aversion pour le personnage et sa passion pour le rôle qu’il doit interpréter.
Tout se joue ici dans les loges dans lesquelles l’acteur se prépare. Qui est qui ? Falstaff et l’acteur se confondent et se dissolvent tout à la fois, tandis que des réminiscences annexes remontent de ce soliloque comme pour établir la fragilité entre l’intime et le public, l’autre et le moi, le réel et l’imaginaire. Par une série de jeux de miroirs, la pièce se déroule ainsi avant même qu’elle n’ait commencé. Et par intervalles, la voix du régisseur apprend au comédien que l’entrée en scène est proche… Il faudra alors que celui-ci se dépouille de sa propre vie et de ses émotions, qu’il meurt pour donner vie à un être imaginaire. Le théâtre est donc par métaphore ce lieu d’une exécution publique et de l’écoulement inéluctable du temps.
Entre humour et gravité, dans une mise en scène de Paul Laurent, Loïc Langlais décline avec poésie cette passion pour le théâtre et l’angoisse que celle-ci peut susciter. Et l’on entend comme l’écho de Shakespeare : « La vie n’est qu’une ombre qui passe, un pauvre acteur qui se pavane et s’agite durant une heure sur la scène et qu’ensuite on n’entend plus. »
10 fév 20h, Théâtre Francis Gag. Rens: theatre-francis-gag.org
photo : Je finirai bien par te voir Falstaff © Stello Bonhomme