The man with golden hands

The man with golden hands

À Antibes, le spectacle Glenn, naissance d’un prodige raconte le destin hors-norme et fascinant de Glenn Gould, véritable « rock star » du classique tracée par des groupies jusque dans son jardin, aujourd’hui considéré parmi les meilleurs pianistes de concert du XXe siècle voire le meilleur. 

Lorsque tout a été montré, adapté, puis reproduit à l’envi mais dit autrement, le metteur en scène Ivan Calbérac pose la question de ce qu’il est encore possible « d’apporter de vivant au théâtre« . Faisant dès lors caisse de résonnance avec Glenn Gould artiste virtuose harcelé dans la pratique de son art par une exigence supérieure, impossible à « déjouer ». Celle de devoir, à chaque fois, se réinventer. « À quoi bon jouer une œuvre de Bach, si elle a déjà été jouée comme ça ? » Depuis sa mort à 50 ans des suites d’une attaque cérébrale en 1982, la légende du génial concertiste canadien né en 1932 à Toronto, en butte à de nombreuses manies obsessionnelles, aux addictions médicamenteuses, et à sa phobie des microbes, reste vivace. Quiconque écoute pour la première fois les Variations Goldberg, ultime et phénoménal album qu’il enregistre un an avant sa mort, se trouve plongé dans un univers inédit et en conserve longtemps la trace intime tant on perçoit l’implication émotionnelle et intellectuelle de cet iconoclaste du clavier. Car il ne pouvait se contenter de juste interpréter une œuvre, il la recréait constamment. 

Pour cerner l’insaisissable interprète de Jean-Sébastien Bach, Ivan Calbérac part de là où tout commence, l’enfance. Sa mère, organiste qui enseignait le piano, fut son premier professeur. Après plusieurs fausses couches, Flora Gould (Josianne Stoléru) devient mère à 43 ans. Durant sa grossesse, elle écoute tous les jours du classique à la radio, certaine que le fœtus entend. Encore bébé, elle l’assoit devant le clavier à son côté et tout en jouant, lui chante les notes. D’où l’habitude de chanter les notes en les jouant, même en concert ! Presque 3 ans, Flora lui apprend le piano. Par la musique s’engage un dialogue fusionnel mère-fils. Gould, enfant prodige. L’oreille absolue. « Je savais lire la musique avant de savoir lire. » Première en public à 13 ans, et le début de sa carrière de concertiste. Il demande à son père (Bernard Malaka) de lui fabriquer une chaise bien plus basse que la normale et qui met son visage à hauteur du clavier. Courbé, replié en lui, Gould, ex-fœtus devenu homme, joue comme s’il voulait s’engloutir dans les entrailles son fameux Steinway CD 318… Fusion totale homme-instrument. Il se fera une vie, seul, à l’écart du reste du monde, ne se concentrant plus que sur un exercice intellectuel et physique. Et de fuir courants d’air, foule, mondanités, contacts physiques, bruit. À Los Angeles, 10 avril 1964, au Wilshire Ebell Theater… Dernière en public, à 32 ans. Glenn Gould (intense Thomas Gendronneau, qui joue vraiment du piano sur scène !) quitte la scène. Se dématérialiser pour en finir avec les triviales contingences du corps. Reste ses enregistrements studio, uniques.

9 & 10 fév, Anthéa, Antibes. Rens : anthea-antibes.fr

photo : Glenn, naissance d’un prodige © Fabienne Rappeneau